W.E.S.T, parfum de Cuba
Le troisième volume de W.E.S.T, El Santero, est sorti le 1er septembre, inaugurant ainsi le deuxième cycle de cette série signée Christian Rossi, Xavier Dorison et Fabien Nury.
Ce diptyque se déroule à Cuba en 1902. Quelle était alors la situation géopolitique de ce pays ?
Fabien Nury : Jusqu’en 1898, Cuba était une colonie espagnole. Suite à un incident
diplomatique, les USA ont alors envoyé leur armée pour « libérer » la population locale. Ils ont viré les Espagnols… Mais ils ne sont pas partis immédiatement après avoir fini ! En fait, ils ne sont partis que cinq ans plus tard, et encore… Pas complètement.
En 1902, Cuba était donc un territoire occupé par l’armée américaine, et l’on essayait d’y organiser, pour la première fois, des élections démo-cratiques… Tout en préservant les intérêts économiques américains, bien sûr ! C’était une situation étrangement similaire à celle de l’Irak aujourd’hui.
Xavier Dorison : D’autant plus que le prétexte de leur intervention s’est avéré fallacieux.
Cuba a failli être le 46e État des États-Unis, c’est fou !
XD : On a tendance à oublier à quel point l’histoire des USA est récente ; en 1902, il n’y avait que 45 étoiles sur le drapeau de l’Union… Et Cuba présentait de nombreux attraits, pour les partisans de son annexion : proximité du territoire national (la Floride est à 150 km), richesse des matières premières (sucre, fruits, etc.), etc. Cuba a donc bien failli être annexé aux USA, cela a sérieusement été débattu au Congrès, il y avait des groupes de pression…
FN : Quand on y repense, un siècle plus tard, à la lumière de l’histoire de cette île, ça fait bizarre.
Vous avez imaginé ce qui aurait pu se passer, à savoir Roosevelt envoyant des hommes régler les questions d’indépendance sur place. De façon très officieuse et musclée.
FN : Cuba représente le terrain idéal pour une mission de W.E.S.T. C’est lié aux moyens qu’emploient les ennemis (et quelques alliés) de « l’occupant »… Ils utilisent le vaudou cubain, aussi appelé « Santeria », pour répandre la terreur. Cela peut se matérialiser sous forme d’hallucinations, de maladies étranges (c’est à Cuba que l’on a découvert la « fièvre jaune »), et bien sûr de zombies…
XD : Donc, il y a à la fois des tensions politiques et des événements surnaturels : c’est tout W.E.S.T, ça !
Islero, alias El Santero, incarne à la fois le mouvement révolutionnaire, a priori un combat juste, mais aussi le« mal », utilisant des méthodes effrayantes.
XD : Islero est le mystérieux sorcier (santero) qui répand la terreur et galvanise les rebelles. Selon le côté d’où l’on se place, c’est un affreux terroriste… Ou un courageux résistant. C’est toute l’ambiguïté de la situation.
FN : C’est d’ailleurs un des principaux partis pris de ce cycle ; essayer d’éviter le manichéisme, et de montrer que la mission de W.E.S.T (éliminer Islero) a des enjeux moraux ambigus… Cela va leur poser de gros problèmes, car ils peuvent aussi bien découvrir que les vrais « méchants » de l’histoire, ce sont leurs commanditaires !
Kathryn est devenu l’élément féminin de W.E.S.T. Et le moins qu’on puisse dire est qu’elle s’impose, y compris face à Chapel. On sent que Kathryn aura un rôle essentiel à jouer dans ce cycle.
XD : Kathryn est toujours l’élément rationnel de l’équipe; mais elle a aussi perdu toute sa famille, et elle ne le vit pas très bien… Disons qu’elle va connaître quelques expériences, qui (si elle s’en sort) pourraient lui redonner goût à la vie. Je ne veux pas vendre la mèche, mais elle va vraiment se retrouver « au fond du trou », dans ce cycle.
Christian Rossi : Et dans ce cycle, je la décoiffe !
Fabien, vous êtes allé à Cuba, qu’est-ce qui vous a le plus frappé sur place ?
FN : Ben, c’est quand même un grand goulag sous les tropiques. Alors, la musique est chouette, les mojitos délicieux et les filles sublimes… Mais c’est assez flippant, de voir à quel point Fidel le Barbu a réussi à couper sa population du reste du monde. Propagande d’État ahurissante, zéro presse étrangère, antennes satellite interdites, internet encore trop rare… Et quand on parle aux gens, ils se foutent du communisme, ils ne voient que les touristes et leur
argent. C’est, curieusement, la course aux dollars perpétuelle.
Savoir que son scénario va être dessiné par Christian Rossi doit être plutôt excitant…
FN : Non, pourquoi ? C’est la routine (rires)…
XD : Bon, pour être sérieux, c’est clair que Christian est un magicien. Je crois qu’il s’amuse plus avec ce nouveau cycle, car le précédent contenait beaucoup d’éléments à mettre en place. Et quand Christian se fait plaisir, il nous fait rêver !
CR : Pas mieux…
Des idées pour le prochain cycle ?
XD : Plein !
CR : Mais on ne vous les dira pas.
FN : Déjà que les membres de W.E.S.T en bavent dans celui-ci, ça ne va pas s’améliorer… C’est la règle, assez sadique, que s’imposent les scénaristes de ce genre d’histoire : si on veut que le lecteur aime les personnages, il faut les faire souffrir. Donc, on ne va pas les épargner…
Et vos projets ?
FN : La suite de W.E.S.T, la fin de Je suis légion… Et puis Le Maître de Benson Gate avec Renaud Garreta, une saga familiale assez noire, mélange de polar et d’aventure. Et encore Necromancy avec Jack Manini, un thriller horrifique plutôt saignant… Je sais, il faudrait que je me soigne, que je fasse une comédie romantique… Mais pas tout de suite.
XD : Mathieu Lauffray et moi venons de terminer Long John Silver , une suite imaginaire du
roman de Stevenson, L’île au trésor .