Succession Story
Le Contrat, c’est le titre du nouvel album de la série Wayne Shelton créée par Jean Van Hamme. Contrat lancé contre le héros ou contrat conclu entre le scénariste et son successeur sur la série, Thierry Cailleteau ?
Le tome 1 avait pour titre La Mission. Quelle était-elle ? Mener à bien les deux premiers albums de la série Wayne Shelton. Le titre du tome 2, La Trahison, reflète-t-il le sentiment du dessinateur Christian Denayer ?
Pas du tout, répondent en chœur Jean et Christian, dès le départ c’était prévu : au tome 3, Jean lâchait son héros mais trouvait un repreneur pour la série. Pas question de liquider froidement un personnage dont les aventures ont démarré sur les chapeaux de roues ! Thierry Cailleteau, auteur de la série Aquablue, fut, comme on dit, pressenti. Malgré un programme chargé, il accepta d’emblée la proposition.
Un héritage pas facile à assumer mais Thierry Cailleteau aime les défis. Fan depuis toujours de la BD belge et de Christian Denayer en particulier, l’homme est ravi de ce retour aux sources. Dans la presse, Thierry a toujours défendu la BD dite “populaire” et le travail de Jean Van Hamme injustement attaqué sous prétexte que ses albums se vendent. Thierry Cailleteau ne travaille ni pour faire plaisir au créateur de la série, dont il admire l’humilité par rapport à son travail de scénariste, ni à son dessinateur.
Il travaille pour le lecteur et estime que, dans la BD, l’auteur de la série n’est pas le héros. Le scénariste doit rester un personnage secondaire et se faire discret. “Un auteur, nous dit-il, s’impose d’ailleurs d’autant mieux en donnant la vedette au héros”! C’est dans cet état d’esprit que Cailleteau a abordé le personnage de Wayne Shelton.
Le lecteur l’a aimé dans les deux premiers tomes, pas question de le changer. Son idée est plutôt de le faire évoluer et de dévoiler, petit à petit, la part plus humaine de sa personnalité. Si Jean Van Hamme s’est donné la possibilité de laisser transparaître la fragilité du personnage de Vanko Bojadzik, il n’a pas eu le temps ni l’espace pour développer psychologiquement Wayne Shelton.
C’est Cailleteau qui s’en chargera et ce, dès le tome 3. “Wayne Shelton était un homme d’action, un aventurier sans pathos, il fallait que je me familiarise avec lui, que je me l’approprie et pour cela il fallait que je me le rende sympathique.” Christian Denayer approuve la démarche, convaincu que Jean aurait aussi fait évoluer son héros dans ce sens.
Dans les prochains tomes, on découvrira de quoi est capable Wayne Shelton, en tant qu’homme d’action, bien sûr, mais aussi en tant qu’être humain. Comment s’est passée, concrètement, la passation de pouvoir ? Les trois hommes ont très rapidement trouvé un terrain d’entente : “Il n’y a pas eu de grosse pierre d’achoppement, on discutait de détails, genre la mèche de cheveux de la fille à droite ou à gauche, mais rien de vraiment sérieux”, nous dit Jean qui n’avait aucune crainte quant à la qualité du scénario que Cailleteau lui présenterait : ‘J’ai toujours jugé ses scénarios vifs, dynamiques et ingénieux”. Christian Denayer apprécie le rythme de narration de son futur scénariste et ne craint qu’une chose : l’éloignement.
Cailleteau habite la France et Christian n’adore pas les collaborations à distance. De commun accord, les deux hommes décident de se donner du temps pour mieux se connaître et s’apprécier. Tout comme son dessinateur, Thierry adore les bolides et les mises en scène spectaculaires. Aussi, dès que le scénario le justifie, les deux hommes ne boudent pas leur plaisir.
Ce qui a plu, de prime abord, à Christian, c’est l’enthousiasme de Cailleteau. « Tout de suite, il a foncé. » Et Jean Van Hamme, aucun regret ? Un petit quand même : “Wayne Shelton était le seul personnage créé par moi que ma femme appréciait !”. Hé oui, la jolie inspectrice Luan, qui apparaît au tome 3, n’est pas la seule à trouver Wayne Shelton… irrésistible.
Corinne Jamar