(Conversation)

Par l'équipe Dargaud

Matthieu Bonhomme et Fabien Vehlmann ont signé le troisième volume du Marquis d’Anaon (pour l’ambiance, cf. la précédente Lettre…).Un album que l’on peut qualifier de magistral et qui en dit long sur la complicité entre les deux auteurs. Nous avons enregistré leur dernière conversation. Savoureux.






Fabien Vehlmann — Salut Matthieu. Ça faisait longtemps, comment va ta femme ?

Matthieu Bonhomme — Ah, ne mêle pas ma femme à tout ça ! Dis… il me semble que je fais les BD que j’aurais aimé lire étant petit, et toi ?


F. V. — C’est aussi ce qui me guide toujours. Depuis que je suis tout môme, je cherche des BD qui soient les plus étonnantes possible, j’essaie d’être le premier surpris par mes histoires. Ce n’est pas toujours facile, parce que j’ai des “tics” d’écriture ; je tombe parfois dans le cliché, le “déjà vu”… Mais j’essaie de m’améliorer, et ça commence à payer : certains de mes récits partent dans des directions que je n’avais pas du tout prévues ! Par exemple, est-ce que tu aurais pensé, au début de notre collaboration, que le marquis d’Anaon connaîtrait le genre de déboires que nous lui faisons vivre ? Ou bien est-ce que tu avais une idée très différente de la série ?


M. B. — Je crois que je ne m’étais pas trop posé la question pour deux raisons. D’abord parce que je me concentrais, à l’époque, uniquement sur le premier tome, et puis, aussi, parce que l’on s’était dit qu’on laisserait le personnage nous emmener dans ses aventures, qu’on se laisserait emporter. Est-ce que tu y arrives ? Qu’est-ce qui te passe par la tête, quand tu écris ?


F. V. — Je retrouve toujours le personnage de Jean-Baptiste avec autant de plaisir, car c’est un jeune homme dont je me sens assez proche, qui essaie d’être quelqu’un de bien mais qui passe par pas mal de difficultés avant d’y arriver ! Sinon, concernant les intrigues des albums, j’essaie à chaque fois de plonger le lecteur dans une atmosphère troublante, aux frontières du rêve ou du cauchemar qui le font vite basculer dans l’univers des contes et légendes. Et de ton côté, puisque tu travailles en parallèle sur d’autres séries, de quelles manières abordes-tu ces différents projets ? Est-ce que ton état d’esprit est le même pour chacune d’entre elles ou bien existe-t-il des différences ?


M. B. — C’est vraiment différent, pour chaque album. Mais je crois que le Marquis est la série qui m’emmène le plus loin au fond de moi. J’ai à chaque fois, peur avant de m’y mettre, et j’en sors généralement très épuisé. Que dirais-tu pour une fois qu’il se passe quelque chose d’heureux pour notre perso ? Un truc genre happy end , un truc qui permettrait que je ne sois pas trop plombé à la fin, quoi !


F. V. — Je ne crois pas avoir envie d’un happy end classique, mais je ne serais pas contre un peu plus de légèreté dans les prochaines aventures du Marquis !


M. B. — D’accord !


F. V. — Le récit du tome 4 se déroulera en Savoie, qui est ma région d’origine, et je crois que c’est un endroit idéal pour que notre personnage prenne un peu plus de bon temps…


M. B. — COOL !


F. V. — … Les paysages sont magnifiques, le temps radieux, les lacs de montagne somptueux… (pour plus d’information, consultez l’office du tourisme de Chambéry). Non, sans rire, la montagne va nous permettre de donner encore plus de souffle et d’ampleur aux aventures de Jean-Baptiste et ce sera très bien comme ça. Et après la Savoie, tu le verrais bien partir où, notre marquis, toi ?


M. B. — Je ne sais pas… Dans des endroits un peu mystérieux, hors de France pour changer… Mais je te fais confiance pour nous trouver ça, tu es un vrai maître de cérémonie. D’ailleurs, j’adore les petits moments où tu joues avec la complicité du lecteur, comme un manipulateur, par exemple quand la bohémienne lui dévoile l’avenir (cf. tome 2). Est-ce que ça te donne un sentiment de puissance ?


F. V. — Un sentiment de puissance, comme tu y vas ! (et comme tu me connais bien). C’est vrai que c’est assez excitant de donner des indications sur l’avenir possible du Marquis (et, par exemple, sur la manière horrible dont il va mourir), tout en jouant avec le lecteur : ces indications sont-elles réelles ou pas ? Cette bohémienne a-t-elle un véritable talent de voyance ou bien fait-elle juste de vagues suppositions ? Vous ne le saurez que dans les prochains épisodes, petits sacripants ! Sinon, de ton côté, quelles ont été les pages que tu as préféré dessiner dans la série ? Hein, hein, dis ?


M. B. — Puisque tu poses une question bête, en voilà une : s’il devait y avoir un film du Marquis, quel acteur choisirais-tu ?


F. V. — Si je te dis Tom Cruise (avec des talonnettes), tu en penses quoi ?


M. B. — Parfait, et pour ta mère ?


F. V. — Dans le rôle de ma mère, je verrais bien Albert Dupontel.


M. B. — Tu es trop fort.



N. B. : Cet épisode du Marquis d’Anaon contiendra un supplément de quatre pages présentant l’univers de la série sous la forme d’une gazette d’époque. D’autre part, le magazine Bédéka de septembre contiendra un ex libris original.

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