Oriol, le peintre catalan de la bande dessinée
Grand angle sur le travail d’Oriol à l’occasion de la parution du tome 2 de La Peau de l’ours. De Toulouse-Lautrec à Zelda, découvrez les influences polychromes de la palette d’un jeune artiste espagnol !
Portrait d’un jeune talent espagnol au dessin coloré et anguleux. Formé à l’École Joso de Barcelone, en Espagne, Oriol travaille depuis maintenant 10 ans avec le scénariste Zidrou. Ils ont publié ensemble quatre albums dans lesquels Oriol a adapté son dessin de manière magistrale afin de répondre aux textes de Zidrou.
La Peau de l’ours, Les trois fruits, Natures Mortes et ce deuxième volet de La Peau de l’ours constituent la bibliographie d’Oriol, visuellement imposante.
De l'animation à la bande dessinée
Formé à l’école Joso, centre d'enseignement spécialisé dans l'enseignement de la bande dessinée et de l'illustration à Barcelone, Oriol commence sa carrière dans l’animation. Il travaille pour la société de production Filmax, où il s’occupe du développement graphique de la production de Donkey Xote
et a également collaboré au film Nocturna.
Cette expérience dans l’animation l’amène à retourner à l’École Joso pour y enseigner cette matière.
En parallèle de ces travaux, Oriol est contacté par Zidrou, scénariste de bande dessinée belge installé en Espagne. Zidrou, à qui on a parlé du jeune Oriol lors du festival de Barcelone, cherche un auteur pour l’accompagner sur un projet de nouvelles aux éditions Dupuis.
Oriol accepte le projet et leur histoire est éditée dans un collectif : Joyeuses nouvelles pour petits adultes et grands enfants. Ce premier essai est le début d’une belle collaboration.
Mariage d'un dessin et d'un scénario
Dix ans et quatre albums plus tard, Oriol a fait grandir son dessin et ses couleurs avec chaque scénario de Zidrou. L’auteur belge lui propose à chaque nouvelle collaboration un angle et une ambiance différents afin que le lecteur puisse découvrir une facette inédite de son dessin.
La Peau de l’Ours, premier ouvrage complet paru en 2012, nous transporte dans les années 1930 entre Italie et États-Unis. Un récit d’amour, de vengeance, de lâcheté, de violence… Oriol a pris le sujet à bras le corps. Il s’est inspiré de films d’époque et a réalisé de nombreuses recherches de documentation sur Internet. Avec comme résultat un dessin anguleux, des couleurs franches et tranchées qui attirent le regard, une violence larvée qui fait parfaitement écho au scénario.
« Vivre en Espagne me donne un certain avantage quand il s’agit de comprendre la lumi
è
re en Italie, il existe des similitudes entre ces pays méditerranéens. La culture italienne n’est pas éloignée de la mienne.» Oriol, décembre 2019
Avec Les Trois fruits, en 2015, les deux auteurs se retrouvent autour d’une histoire amère, touchante et cruelle. Le dessin de l’auteur catalan est sombre, son jeu sur l’ombre et la lumière plonge le lecteur au cœur de ce conte fantastique. Les personnages sont longilignes, semblables à des fantômes. Dans ce récit, Oriol change de style et va chercher ses inspirations dans les gravures moyenâgeuses.
La Palette de l'artiste
Pour chaque dessin, pour chaque planche, Oriol procède de la même façon : il commence par un storyboard colorisé qu’il imprime avant de le rehausser au crayon noir ou à la craie. Il scanne son travail et finalise sa planche en numérique.
Son trait pictural et vif est reconnaissable entre tous, avec des couleurs qui marquent l’ambiance, l’époque et le lieu dans laquelle se déroule l’histoire. Oriol commence toujours par la couleur pour nous faire voyager dans son monde, son univers.
Faire de la bande dessinée est un voyage en soi ! Je n'ai pas été en mesure de visiter tous les endroits où se déroulent mes bandes dessinées, bien qu'en un sens, après m'être documenté et avoir dessiné des scènes dans ces lieux, j’ai le sentiment d’y être allé d'une certaine manière. Oriol, décembre 2019.
Les couvertures de chacune de ses bandes dessinées sont travaillées à la peinture, à la craie, au pastel, au crayon puis retouchées numériquement. Et donnent au final le sentiment de se trouver devant un tableau de maître… Autres travaux moins connus, ses magnifiques illustrations de Paris en 1899, reflet de sa maîtrise de la couleur et des matières. Chaque teinte est posée pour faire sens.
Il travaille comme les peintres dont il s’inspire, il crée une ambiance propre à chacun de ses projets en y apportant la modernité de son époque.
En 2017, paraît Natures Mortes, biographie inventée de Vidal Balaguer, artiste barcelonais sortant tout droit de l’imagination de Zidrou. Oriol révèle ici une nouvelle facette de son talent, empreint du travail des grands artistes de la fin du XIX
Parmi les artistes de cette période, Henri de Toulouse-Lautrec en particulier a une forte influence sur le travail du dessinateur espagnol comme le montre cette réinterprétation subtile du tableau « le baiser dans le lit », dans laquelle Oriol remplace les deux femmes de l’affichiste français par ses personnages de Natures Mortes.
Henri de Toulouse Lautrec (1864 - 1901) est un peintre, dessinateur, lithographe, affichiste et illustrateur français. (© Henri de Toulouse Lautrec)
Son travail de la couleur n’est pas sans rappeler également les œuvres de Pablo Picasso. Les peintres de la Belle Époque sont une source d’inspiration évidente pour Oriol. Son investissement dans le projet Natures mortes est tel qu’il crée alors l’ensemble des œuvres du peintre imaginaire Vidal Balaguer. Ces œuvres ont été, le temps d’une exposition dans une galerie d’Art, découvertes par un public bien réel :
Une fois la couleur posée, le travail au crayon commence, pas seulement sous forme d’esquisse ou d’encrage : chaque trait est marqué pour apporter un contour, une ombre ou une touche qui donne le sens à la case.
Au fond, je construis les dessins en couleur. Elle est toujours la première étape et je la fais habituellement en numérique. J'aime bien mieux dessiner sur papier que sur ordinateur. Je me force à ne pas me concentrer sur les petits détails et à voir la page dans son ensemble." Oriol, décembre 2019
Un auteur 2.0
Oriol est un artiste de son époque, connecté au monde.
Son compte Instagram est suivi par près de 30 000 personnes et il s’intéresse lui-même au travail de nombreux artistes de sa génération.
Je n'ai pas perdu l'habitude d'aller au musée même si vivre au XXI
Le jeu vidéo a également marqué l’auteur catalan. Né dans les années 1980, il a une culture instinctive de l’image, des écrans et du mouvement. Malgré son appétence pour les maîtres de la peinture du début du siècle dernier, il est bien installé dans le XXI
Je ne peux pas nier la forte influence que les jeux vid
é
o ou m
ê
me Internet ont exerc
é sur moi.
Oriol, décembre 2019
Mais il remet toujours en question la réalité et le virtuel, le dessin exclusivement numérique n’est pas envisageable pour lui : il préfère le crayon au stylet de la tablette graphique.
Pour dessiner une histoire, il est préférable d’avoir ressenti des choses similaires à celles vécues par les personnages ou de faire preuve d’empathie envers eux. Il est plus facile de donner un baiser quand tu as déjà embrassé. Oriol, décembre 2019
Avec cette rapide mise en lumière de cet artiste aux multiples influences, nous espérons vous avoir donné envie de découvrir l’œuvre d’Oriol et son travail avec Zidrou, son trait maîtrisé et pictural.
À lire sans attendre : la nouvelle saison de La Peau de l’Ours !