"L'humanisme est mon premier moteur" Fred Duval, maître du scénario et de la SF

Après Renaissance, NeoForest et Apogée, Fred Duval revient avec un nouvel univers d’anticipation, quelque part entre le Blade Runner de Ridley Scott et les polars de James Ellroy : Metropolia.

Par l'équipe Dargaud

Metropolia - Fred Duval

Table des matières

Carmen McCallum, Renaissance... si les plus grands succès du scénariste Fred Duval sont de la science-fiction ce n'est pas un hasard. Comme Pierre Christin avant lui, Fred Duval excelle dans le genre car il aborde l'écriture avec l'envie de parler de nous, de notre époque, de nos travers et des dangers qui nous guettent via le prisme de l'anticipation. 

Renaissance

En 2025, les avancées technologiques décrites au milieu des années 1990 dans les albums de Fred Duval sont devenues réalité ou en passe de l'être. Mais l'auteur a toujours un coup d'avance... Fin observateur du monde, Fred Duval analyse les évolutions de notre société et nous projette avec lui dans un futur où la nature humaine, immuable, s'adapte, lutte ou résiste aux changements. Car l'enjeu principal pour le scénariste est là : l'humain, ses personnages. Si la bande dessinée nous parle autant, qu'elle se déroule en 2084 comme dans Renaissance, ou à l'époque de l'Empire Romain dans Apogée, les héros de ses histoires nous ressemblent. Nous reconnaissons nos motivations, nos aspirations, nos craintes parfois face aux bouleversements du monde qui nous entoure. 

Apogée

Explorons avec Fred Duval le moteur de sa création, en commençant par sa toute nouvelle série, Metropolia, réalisée avec Ingo Römling. 

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Metropolia, Berlin 2099, un polar urbain

Depuis quelques décennies, dans la plus grande ville d’Europe, l’énergie est devenue une denrée rare – et chère, donc. Plus personne ne voyage, hormis quelques "happy few". Les habitants en sont réduits à monnayer leurs pas. « Le XXIIe siècle sera piétonnier ou ne sera pas », a même prophétisé un illustre anonyme. Dans cette ville-monde, Sasha Jäger enchaîne les enquêtes à haut risque et bien payées pour le compte d’un consortium, Metropolia.
Sa nouvelle mission : mettre la main sur une meurtrière dont la trace se perd du côté du Florian, un immeuble pour privilégiés. Sous couvert d’une identité virtuelle, se faisant passer pour un architecte chargé de rénover le bâtiment, Sasha se lance dans ses recherches tandis que les cadavres se multiplient autour de lui…

Une première enquête complète et achevée de Sasha Jäger, résolue de main de maître, doublée d’une vision politique sans illusions, à travers la description d’une société dans laquelle le marché « s’adapte à tout, même aux mesures les plus low tech comme la marche ». En attendant la prochaine mission de Sasha, prévue pour avril 2026…
 

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Entretien avec Fred Duval

Duval (Fred)

Pourriez-vous nous dire en quelques mots votre parcours et ce qui vous a amené à devenir scénariste de bande dessinée ?

Je crois que j’ai toujours eu envie d’écrire, de raconter des histoires. La bande dessinée c’est le medium qui m’a totalement fasciné avant même de savoir lire ! Voilà, je crois, avec le recul, que les 25 premières années de ma vie ont été conditionnées par cette passion, ce besoin de m’exprimer à travers l’art et l’écriture. J’écrivais sur la bande dessinée dans des magazines amateurs, j’étais parolier dans un groupe de rock, et cet apprentissage m’a mené à ce que Cailleteau, Vatine et les éditions Delcourt me donnent ma chance. Je l’ai saisie.

Comment décririez-vous votre processus créatif lorsque vous développez un scénario ?

Je n’ai pas vraiment de règle, je réfléchis longuement, parfois je commence par un petit bout de séquence, je prends pas mal de notes, sur la doc mais aussi sur mes intentions… Et puis à un moment il faut faire la synthèse, et construire un récit techniquement… J’arrive à un plan assez détaillé dans lequel je me réserve des parties avec des petits défis que je résoudrai au découpage, cela maintient je pense une certaine énergie. Mes découpages sont très réfléchis, très construits mais quand je découpe, je vais très vite avec des dialogues que je retravaille ensuite.

Comment choisissez-vous les dessinateurs avec qui vous collaborez ?

Il n'y a aucune règle, aucune méthode. Tout se passe autour d’une rencontre, humaine, éditoriale, festive… Parfois des dessinateurs me contactent, ou bien c’est moi qui propose un projet. Si je dois garder un critère de sélection, alors ce n’est pas le style de dessin (j’aime varier les collaborations) mais plutôt la maîtrise du découpage graphique qui est pour moi le moment où le scénario et le dessin se mélangent, où l’écriture devient graphique, donc de la bande dessinée.

Quels thèmes ou messages essayez-vous de transmettre à travers vos scénarios ?

Difficile de répondre à cette question. 

Je dirais que l’humanisme, si bien exprimé en bande dessinée par Pierre Christin, est mon premier moteur. 

Je suis sensible depuis plus de 30 ans aux questions sociales et environnementales, et j’essaye de composer des albums qui ne s’adressent pas qu’à un lectorat convaincu d’avance… 

Pouvez-vous nous parler de l'inspiration derrière Metropolia et de ce qui a motivé sa création ?

Blade Runner

J’ai créé deux séries d’anticipation cyberpunk dans les années 1990, Carmen Mc Callum et Travis. Ces deux projets qui se déroulent dans le même monde à la même époque furent des prospectives sur les années 2050 basées sur les connaissances et projections possibles à l’époque (en 1993 Internet n’existait pas, le smartphone encore moins). Ces deux séries s’achèvent. Elles étaient basées sur la nécessaire alerte autour du réchauffement climatique et la gestion des matières premières comme l’eau. Aujourd’hui, 30 ans plus tard, nos civilisations sont entrées dans l’ère de l’adaptation au réchauffement dont les effets ne sont plus des hypothèses. J’ai donc voulu construire de nouveaux projets d’anticipation autour de cette période complexe qui attend nos enfants, celle où les paradigmes et les modèles économiques vont être remis en cause. Renaissance a lancé la réflexion, NeoForest a montré un retour à la vie après la "presqu’extinction", Apogée essaye de comprendre la montée des régimes autoritaires quand les limites de la pollution et de l’épuisement est franchie, Metropolia est le récit le plus en phase avec les prochaines évolutions des grandes cités, de nos sociétés, et des choix que nous allons faire collectivement. Pour avoir de la lumière, à quoi devrons-nous renoncer ?

Comment s’est passée votre collaboration avec Ingo Römling ? 

Thomas Ragon, éditeur de Renaissance, nous  avait présenté il y a quelques années, cela m’a laissé pas mal de temps pour creuser mon projet. Quand j’ai su qu’il était Berlinois, j’ai immédiatement proposé que l’histoire s’y déroule. Cela s’est très bien passé, Ingo est très professionnel, je ne l’ai pas encore rencontré, mais j’ai hâte de parler de nos méthodes de travail. Je pense qu’il exécute très vite, d’où l’énergie fabuleuse qu’il y a dans les planches. En revanche, il a, comme moi, un temps de réflexion et de préparation énorme. Je lui propose un découpage assez précis et lui laisse pas mal de place pour nous monter « son » Berlin du futur. Je lui ai parlé de cela dès le départ. Si je situe l’action dans un quartier que j’ai repéré sur le plan, et qu’il dispose de par sa connaissance de la ville une meilleure option, il fonce. J’adore.

Berlin 2099

Comment décririez-vous l'atmosphère de Metropolia par rapport à d'autres œuvres d’anticipation (BD, ciné, série…) ?

Disons que c’est de l’anticipation qui vient de ma passion pour l’écrivain américain Philip K. Dick, il y a d’ailleurs une référence appuyée dans le premier récit à son célèbre roman Ubik… Nous sommes donc dans un polar urbain qui peut évoquer aussi le film Blade Runner qui était lui-même adapté d’une nouvelle de P. K. Dick.

La ville est à la fois sombre et lumineuse, de lourds secrets s’y cachent, tous les éléments du polar noir sont réunis autour finalement des enjeux climatiques et des adaptations en cours. Metropolia est une entreprise tentaculaire qui possède de nombreux immeubles berlinois et emploie Sasha, le personnage principal, pour qu’il mène des enquêtes discrètes parallèlement à la police… Ajoutons que Sasha parle aux lecteurs à travers une voix off que j’ai énormément travaillée et vous avez les ingrédients d’un récit noir futuriste. La nouveauté, peut-être, c’est que les enjeux des enquêtes vont tourner autour de cette fameuse adaptation au dérèglement climatique et aux activités nouvelles qu’elle va générer.

Berlin 2099

Quelles réflexions sociales ou politiques avez-vous intégrées dans cette série ?

J’essaye d’avoir un regard sur la ville de demain, une ville monde dont on ne peut quasiment plus sortir. Je parle donc en sous-texte du monde actuel qui s’achève, celui où les loisirs, les voyages pour le plus grand nombre, auront été presque possibles durant 50, 60 années. Il y a sûrement une métaphore liée à ce retour à la marche à pied, mais je laisse aux lecteurs un peu d’espace pour se faire une idée. La dimension politique sera présente à chaque épisode avec une part de cynisme propre aux règles du polar et du héros volontaire mais désabusé.

En quoi Metropolia se distingue-t-elle des autres séries que vous avez écrites, comme Renaissance ou NeoForest ?

Cela reste de la science-fiction basée sur les personnages et leurs interactions, comme je le fais depuis toujours. Les machines, les décors, les inventions sont spectaculaires mais ne prennent pas le pas sur les personnages. 

La différence, ici, est sans doute dans la forme : chaque tome trouvera une conclusion, ce sont donc des one-shots assez denses mais sans le format de la BD franco-belge qui m’est cher, le 54 pages. À terme, les lecteurs pourront découvrir Sasha et le Berlin de Metropolia en commençant par le tome 3, cela peut sembler anecdotique mais j’y tiens énormément. 

J’ai également pris goût au polar, aux intrigues tordues, depuis quelques années en adaptant les romans de Michel Bussi. Je pense que cela a pas mal influencé mon approche dans l’écriture de Metropolia. Ce sont des constructions basées sur des énigmes et des retournements de situation tout en étant proches du quotidien des gens. Le personnage de Martha, livreuse à vélo, ou du flic revenu de tout, c’est assez nouveau dans mon écriture.

Metropolia

Quels sont enfin vos autres projets ? 

Partir en vacances, refaire de la photographie, remonter un groupe de rock, apprendre à bien nager, voir mes enfants heureux.

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NeoForest, une fable néoféodale

Plusieurs siècles après l’effondrement des anciennes civilisations, un nouveau monde est né, qualifié de « néoféodal ». Les famines ont été éradiquées et les cultures transgéniques se sont multipliées. Aux confins de la grande forêt de l’ancienne France, le comte Cocto dirige un petit royaume autonome. Contraint de subir une intervention chirurgicale, il souhaite que sa fille, Blanche, le remplace durant quelques jours. Mais cette jeune femme au tempérament rebelle, partie en excursion dans NeoForest, la Grande Forêt centrale, reste introuvable. Le comte doit se résoudre, à contrecœur, à confier le pouvoir à son frère, tout en chargeant Paul Greem, ancien garde forestier et opposant politique, de retrouver Blanche. Cocto ignore qu’elle court un grave danger, tout comme son royaume... 
 

NeoForest est un diptyque entre récit post-apocalyptique et fable qui aborde plusieurs thèmes contemporains : de l’écologie à la génétique et de la quête d’identité à l’alimentation, sans oublier la lutte pour le pouvoir. Histoire complète en 2 tomes.

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Apogée, le prequel de la série culte Renaissance

Un frère et une sœur accompagnent leur père sur la planète Ötöne, où il doit réparer une technologie défaillante. Pendant que celui-ci accomplit sa mission, les deux ados profitent des charmes de cette planète sauvage a priori inoffensive. A priori seulement : après avoir été menacés par des créatures d’origine inconnue, ils rencontrent une femme en fuite, dame Eliz, originaire de la civilisation Öuröbörös et qui cherche à quitter Ötöne au plus vite. Mais leur père, lui, reste injoignable… Au même moment, le Complexe, une fédération de planètes, est victime d’une attaque orchestrée par Öuröbörös, dont les dirigeants chargent un certain Cröne de retrouver cette dame Eliz, journaliste et lanceuse d’alerte qui conteste la politique colonisatrice de sa terre natale.

La confrontation entre deux civilisations, l'Empire romain et la civilisation Ouröborös, ouvre un nouveau cycle interstellaire palpitant.

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