Les principaux concepts des grands philosophes vus par Catherine Meurisse
Maniant les concepts philosophiques avec rigueur et humour, renversant les mythes, la dessinatrice esquisse une autre manière de penser et d'être le monde. Interview
Table des matières
Depuis le mois de septembre 2017, la revue Philosophie magazine publie, chaque mois, Humaine, trop humaine, une rubrique de deux pages écrite et dessinée par Catherine Meurisse. Dans une interview exclusive, l'autrice de La Légèreté, nous raconte sa collaboration avec Philosophie Magazine, la naissance de Humaine, trop humaine en album et son regard sur la place des femmes dans la philosophie.
Back to topL’histoire de ma collaboration avec ce magazine est simple : le rédacteur en chef, Alexandre Lacroix, m’a invitée, il y a cinq ans, à réfléchir à une série en deux pages. Cette invitation m’a réjouie et honorée, car je suis lectrice de Philosophie magazine depuis longtemps. Combien de fois l’ai-je compulsé pour confirmer une intuition ou souligner une citation, qui allait ensuite se développer dans un de mes albums ? Alexandre Lacroix m’a donné carte blanche.
Catherine Meurisse
La philosophie à la portée de tous
Dans chaque épisode, l’autrice Catherine Meurisse, récemment élue à l'Académie des Beaux-Arts, met en scène un intellectuel de renom – Socrate, Montaigne, Sigmund Freud, Simone de Beauvoir... – dans une situation quotidienne, toujours décalée, souvent incongrue, pour présenter et saisir l’un des concepts clés de sa pensée.
Mon premier réflexe a été de créer un personnage féminin, dont la silhouette est semblable à celle figurant dans La Légèreté et La Jeune femme et la Mer, autrement dit mon avatar. Une façon de m’impliquer personnellement dans les histoires et de regarder les grands penseurs –majoritairement masculins – par une lunette féminine et féministe.
Catherine Meurisse
Sans chercher l’anachronisme à tout prix, l’autrice s’inscrit naturellement dans l’actualité : la recherche du bonheur, le féminisme, l’amour-propre et les réseaux sociaux... gage de drôlerie et de pertinence. Elle adapte le propos et le ton, et c’est époustouflant d’intelligence !
Dans Humaine, trop humaine, c’est ainsi une quarantaine de philosophes qu’elle vient taquiner, pour notre plus grand bonheur, décortiquant tel ou tel aspect de leur pensée.
Back to topUne liste d'invités philo impressionnante
Dans cet album, la liste des participants est saisissante, on y retrouve des philosophes, des penseurs, des essayistes, avec entre autres : Socrate, Montaigne, Sigmund Freud, Simone de Beauvoir…
Ça débute par une des Méditations métaphysiques de René Descartes, illustrée par l’utilisation d’un morceau de cire dans un institut de beauté.
Vous assisterez plus tard à un quiproquo amoureux entre Gottlob Frege et une jeune fan de linguistique. Puis vous retrouverez Baruch Spinoza le temps d’une émission culinaire.
On rit et s’instruit ; on réfléchit aussi. Et, bien sûr, chacun pourra apprécier le trait efficace et juste de Catherine Meurisse, car son dessin, lui aussi, est impressionnant !
Quand on demande à Catherine Meurisse avec quel(le) philosophe se sent-elle le plus d'affinités, elle répond qu'elle n'a pas d’affinités avec un philosophe en particulier, mais avec plusieurs, pour différentes raisons :
Back to topLa place des femmes dans la philosophie
Peu de femmes sont présentes dans la quarantaine d’épisodes publiés dans l’album : la philosophie serait-elle sexiste ? Quelle est la place des femmes dans la discipline, hier et aujourd’hui ? Catherine Meurisse nous apporte son point de vue :
L’histoire de la philosophie, comme celle des arts, a été écrite au masculin. Comme partout, les femmes ont été invisibilisées. Pourtant, elles sont nombreuses, depuis l’Antiquité, à élaborer une pensée, la plupart du temps fracassante de modernité. Le patriarcat occidental a posé sa grosse semelle dessus et étouffé le tout.
René Pétillon, lecteur de mes premières pages dans Philosophie magazine, m’avait offert un petit livre collectant des extraits de textes misogynes, écrits par les plus grands penseurs : Nietzsche, Freud, saint Augustin, Proudhon (ce dernier remporte la médaille)… Il en était effaré, et moi aussi.
L’effarement, comme la colère, est un bon moteur, et de nombreux gags d’Humaine, trop humaine, puisant dans ces textes sexistes, sont moqueurs donc vengeurs.
Parce que je préfère m’en prendre aux puissants, à ceux qui détiennent l’autorité, peu de femmes sont présentes dans ma bande dessinée. Il est toujours plus drôle de s’en prendre à la majorité conquérante, afin de suggérer un autre son de cloche.
Loin de moi l’idée de préserver les femmes, qui, si l’on envisage l’égalité entre les hommes et les femmes, sont aussi critiquables que les hommes. Mais lorsque j’aborde Simone de Beauvoir, Hannah Arendt et Simone Weil dans mon livre, il est vrai que le gag ne provient ni de leur pensée ni de leur comportement, mais de l’absurdité de la condition humaine, de l’inégalité entre les sexes.
Enfin, les philosophes dans mes pages ne sont pas toujours ceux qu’on croit : la copine perplexe de Rousseau, celle libérée de Kierkegaard, Monique la sainte mère de saint Augustin, l’épouse de Jankélévitch… toutes ces femmes, plus ou moins fictives, ont l’air d’en savoir beaucoup sur la conception de l’esprit humain et sur le chemin qui mène au bonheur, sans avoir l’air d’y toucher.
Catherine Meurisse
Merci à Catherine Meurisse de nous avoir éclairé sur sa bande dessinée Humaine, trop humaine qui est disponible chez votre librairie ou sur 9ème Store.
On ne naît pas philosophe. On le devient ! avec Catherine Meurisse.
Nous vous offrons les premières planches :
À lire aussi pour découvrir l'œuvre de Catherine Meurisse :
La Jeune femme et la mer, le conte philosophique de Catherine Meurisse
La Légèreté, le témoignage de Catherine Meurisse sur la vie après les attentats de Charlie Hebdo.
Delacroix, un hommage passionné et passionnant de Catherine Meurisse à deux grands hommes de la littérature et de la peinture : Dumas et Delacroix.
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