Auteur/éditeur

Par l'équipe Dargaud

Il le constate lui-même : il faut être plus généreux pour être éditeur qu’auteur ! En devenant directeur de la collection « Bayou » chez Gallimard Jeunesse, Joann Sfar se lance un autre défi. Un auteur/éditeur au parcours exemplaire qui lui a valu la une du magazine Télérama (1) et qui nous parle ici de son nouveau grand projet, La Vallée des merveilles.


Après l’expérience Bréal, vous voici de nouveau directeur de collection. Est-ce plus simple d’être éditeur qu’auteur ?!


L’envie de « Bayou » est venue d’abord d’une envie d’auteur : celle de faire des albums de bande dessinée à un plus petit format et avec plus de pages. Peu de collections allant dans ce sens existaient et j’ai proposé un projet de livre chez Gallimard Jeunesse. Ils m’ont dit « oui » puis d’autres auteurs que je connaissais ont eu la même démarche et c’est devenue assez vite une véritable collection. Comme Bréal arrêtait, Gallimard m’a proposé de m’en occuper mais cette fois je n’édite pas que les copains !


Quel premier regard tirez-vous de cette expérience éditoriale ?


D’abord je me considère plus comme partenaire qu’éditeur, j’accompagne les auteurs dans leur travail. Ensuite cela me permet de lire de nouveaux des histoires car je n’achetais jusque là que peu d’albums : « Bayou » me permet de mieux découvrir l’univers des autres, de me tenir au courant d’une façon ou d’une autre de ce qui se fait aujourd’hui. Tout cela fait autant partie de mon travail d’auteur que d’éditeur.


Accompagner les auteurs, c’était justement la philosophie de Guy Vidal chez Dargaud car il ne considérait pas que l’on pouvait diriger un auteur.


C’est un peu au contact de Guy que j’avais appris ça, sa façon de ne jamais étouffer l’auteur et de montrer que l’on est rien d’autre qu’un premier lecteur attentif. Le rôle de l’éditeur, pour moi, c’est de monter qu’on est là, à l’écoute, mais sans prendre pour autant la plume à sa place. Il faut être beaucoup généreux pour être éditeur qu’auteur ! (rires). Comme la générosité n’est pas ma qualité première, ça m’apprend à m’intéresser aux autres. Dans le même ordre d’idée lorsque j’annonçais à un éditeur que j’allais être en retard mais que « ce n’est pas grave, on peut toujours décaler la sortie », je me rends compte aujourd’hui à quel point c’est compliqué pour l’éditeur, qu’il y a des tas de gens qui comptent sur vous et dont leur travail est déterminé par la sortie du livre !


« Bayou » est assez ouvert : pagination forte, nationalités d’auteurs différents, pas de thématique imposée…


C’est l’idée, bien sûr. Et puis j’espère que ces albums pourront aussi toucher un public a priori amateur de littérature mais qui a déjà eu la curiosité de lire des BD comme Le Combat ordinaire de Manu Larcenet, Persépolis de Marjane Satrapi ou même Le Chat du Rabbin, pourquoi pas. Je suis persuadé qu’il existe des passerelles d’un genre à l’autre ! D’ailleurs, petite confidence, quand je reçois un projet je me demande toujours si cela ferait un bon film.


Votre travail d’éditeur empiètera-t-il sur votre travail d’auteur ?


Je suis avant tout un auteur et le travail sur « Bayou » ne me prend pas autant de temps que ça ; je ne devrais pas le dire aux gens de Gallimard ! Bien sûr il a des réunions et des choses comme ça un peu contraignantes mais l’envie est d’abord de faire des livres, à tous points de vue. Et ça n’empiète pas sur mon boulot d’auteur.


Alors justement le « Joann Sfar auteur » va sortir une nouvelle série chez Dargaud en mars sous le titre La Vallée des merveilles chez Dargaud. De quoi s’agira-t-il ?


La Vallée des merveilles s’inscrit un peu dans la suite de mes carnets parus à L’Association. C’est à dire que je continue à dessiner les gens que j’aime, ma famille, les copains, etc. Sauf que là ça devient une fiction, en l’occurrence ma famille durant la préhistoire ! L’idée est de faire de grands récits d’aventure en bande dessinée en partant du principe que les gens ont maintenant l’habitude de lire des histoires plus longues. Ici l’album fera 88 pages grand format plus des notes dessinées à l’aquarelle situées à la fin, apportant des commentaires sur l’histoire. C’est peut être prétentieux mais en réalisant La Vallée des merveilles j’ai voulu renouer avec le plaisir de lecture que j’avais eu en lisant Astérix quand j’étais gamin. Dans La Vallée des merveilles on retrouve deux copains qui partent à la chasse et à qui il arrivera à chaque fois des trucs pas possibles. C’est quand même la préhistoire ! (ou censée être cette époque, même s’il fait toujours beau et qu’il y a une ambiance très méditerranéenne…). Et puis ils ont leur famille, donc ils doivent faire gaffe… J’ai aussi essayé de faire attention au dessin, d’avoir un dessin d’aventure entre Moebius et Pétillon en quelque sorte. En moins bien qu’eux, je sais ! (rires).


Vous citez ces deux auteurs alors que justement vous avez l’habitude de parler d’autres auteurs aussi différents que Romain Gary, Georges Brassens, Crumb, Pierre Dubois ou Bachelard, par exemple. On sent que cela vous nourri et vous permet finalement de réaliser des choses personnelles…


Ce que je sais c’est que ma grande force est de pouvoir travailler beaucoup et vite si nécessaire, du coup j’explore des projets très différents et on pourra toujours y trouver des influences. Je citais justement Astérix de Goscinny et Uderzo pour La Vallée des merveilles. L’une des choses qui m’a toujours fasciné par exemple c’est la capacité qu’avait Uderzo de dessiner des décors élaborés, voire réalistes, avec des personnages aux gros nez !


Pensez-vous surprendre vos lecteurs avec La Vallée des merveilles ?


J’ai déjà été moi-même surpris de faire ça car je suis allé vers un genre de bande dessinée d’aventure intégrant des éléments fantastiques – Thorgal étant une référence à ce niveau – qui semblait éloigné de mon travail. Et pourtant !


Il y a aussi beaucoup de tendresse dans La Vallée.


Ça me fait plaisir d’entendre ça parce que, forcément, ça compte pour moi mais c’est quelque chose de pas si facile que ça à faire passer. Ce sont des sentiments que l’on retrouve par exemple dans un certain cinéma, celui d’Yves Robert ou Claude Sautet, ces émotions parfois très subtiles entre personnages.


Un dernier mot sur Le Chat du rabbin : dans une interview vous faisiez part de votre angoisse face au succès de cette série. Qu’en est-il ?


Le succès nous amène automatiquement à nous poser plein de questions et il est toujours difficile d’admettre que la prochaine histoire n’aura sans doute pas autant de succès. Mais maintenant j’arrête de me poser toutes ces questions, sinon je n’avancerais plus, j’essaie juste de faire de mon mieux. La bande dessinée c’est quand même rien d’autre que des histoires pour se distraire, il ne faut pas trop prendre la tête !


François Le Bescond



(1) Télérama du 23 novembre 2005

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