Lucky Luke, un jeune cow-boy de 54 ans !
Le Prophète, scénarisé par Patrick Nordman, est la nouvelle aventure de Lucky Luke qui sera en librairie le 11 mars. On y voit le célèbre cow-boy aux prises, bien sûr, avec les Dalton, mais aussi avec Dunkle, un charlatan pour qui Rantanplan se prend, naturellement, d’affection. Toujours élégant, avec une silhouette extraordinairement jeune, Morris a bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions. A sa manière. Toujours laconique… ou pudique ?Je me souviens qu’un jour, vous m’avez dit que vous dessineriez tant que votre plaisir à le faire durerait.Je prends toujours le même plaisir à réaliser mes Lucky Luke. C’est un métier où on apprend jusqu’au dernier jour.Vous faites vivre Luke (pour notre plus grand bonheur) depuis 1946/47… Que ressentez-vous par rapport à une si longue histoire ?J’ai du mal à croire que je fais Lucky Luke depuis 54 ans. J’ai l’impression d’avoir commencé hier ou avant-hier.Vous souvenez-vous comment vous est venue la première idée de ce personnage ?Je ne me souviens plus ni comment ni pourquoi j’ai créé Lucky Luke. Je crois que le fait que j’aimais dessiner des chevaux y a été pour quelque chose.Lorsque vous avez écrit et dessiné Arizona 1880, en 1946, imaginiez-vous qu’il puisse connaître une telle carrière ? Aviez-vous d’autres personnages en réserve, au cas où il n’aurait pas retenu l’attention des lecteurs ?Non, je ne prévoyais pas un tel succès. Si Lucky Luke n’avait pas eu de succès, je pense que j’aurais créé une série se passant pendant la prohibition, à Chigago, avec Eliot Ness et Al Capone.A vos débuts, vous étiez très influencé par le dessin animé…Oui, à tel point que mes personnages n’avaient que quatre doigts à chaque main. Mais j’ai vite compris que cette simplification n’est acceptable qu’en dessin animé !Justement, une nouvelle série de dessins animés est en train d’être mise en chantier. On parle aussi d’un long métrage, avec Djamel dans le rôle de Joe Dalton. Vous pouvez nous en dire un peu plus ?C’est trop tôt pour en parler, les contrats n’étant pas signés…Je me souviens vous avoir vu un jour avec Roba, Franquin, Will… Je pense à Peyo, René Goscinny, J.-M. Charlier, Gillain… La bande dessinée franco-belge, outre le talent et le succès, représente aussi une belle réussite sur le plan de l’amitié, non ?Certes. Il y avait dans cette bande, une camaraderie voire une amitié indéfectible, ce qui, en plus, avait un effet très positif sur notre travail.J’ai cité René Goscinny. Il a été votre scénariste le plus important. Quel souvenir vous revient immédiatement à l’esprit quand il est question de lui ?Son professionnalisme.Vous êtes un des plus grands noms de la bande dessinée. Quel est le confrère dessinateur qui vous impressionne ou qui vous a le plus impressionné ?Il y en a plusieurs. Entre autres, Uderzo, incroyablement habile. On a dit souvent qu’Uderzo était le seul dessinateur capable de faire rire un personnage vu de dos…Le monde de la bande dessinée a-t-il beaucoup changé depuis l’époque de vos débuts ?Enormément. A nos débuts, nous étions les pervertisseurs de la jeunesse que nous empêchions de lire. La bande dessinée était vilipendée.Pensez-vous qu’il soit plus facile d’accès aujourd’hui pour un jeune ?Non. Si je me présentais, aujourd’hui, chez un éditeur avec mes dessins du début, je me ferai éjecter à coups de pied…Quel conseil prioritaire donneriez-vous, justement, à un jeune auteur qui débute ?D’avoir de la ténacité sûrement. Lorsque nous n’étions pas satisfaits de nos planches, nous les recommencions.Au cours de l’été 99, la hache de guerre a été enterrée entre Lucky Productions et Dargaud qui ont constitué une filiale commune, Lucky Comics, qui devient l’éditeur de l’ensemble des fonds Lucky Luke, Rantanplan et Le Bêtisier. Les gens de chez Dargaud en sont très heureux. Je pense qu’il en va de même pour vous…Bien entendu, je m’en réjouis également. Vous savez que mon métier doit s’exercer dans la sérénité et non dans une ambiance de guerre et d’hostilité.Avez-vous une devise, une phrase ou… un dessin, susceptible de résumer ce que vous pensez de la vie ?Non. La vie est trop compliquée pour être résumée en une phrase, comme dans les questionnaires de Proust.Guy Vidal