#Interview : l'esprit des Vieux Fourneaux
Wilfrid Lupano et Paul Cauuet résument en 7 mots l'esprit des Vieux Fourneaux !
Table des matières
Ça chauffe sévère à Montcœur, tout comme dans les relations entre les « Vieux Fourneaux ». Et pas seulement à cause du réchauffement de la planète !
Le maire de Montcœur a décidé d’organiser un « pique-nique de l’amitié et du vivre-ensemble », mais le vivre-ensemble a du plomb dans l’aile. Ou plutôt, un pic à brochette dans les fesses : celles du maire, victime d’une agression de Berthe.
De son côté, Antoine est à l’hôpital après s’être opposé à un militant des « black blocs » durant la manif’ du 1er mai. D’où une prise de bec avec Pierrot, venu lui rendre visite, et qui lui reproche d’avoir basculé du côté obscur des forces de l’ordre. La réconciliation de la famille de la gauche n’est donc pas pour tout de suite…
Le climat de l’album Chauds comme le climat ne fait que refléter celui de la société française, déchirée entre tensions sociales et positions politiques extrêmes, plus fracturée que jamais depuis les récentes élections nationales.
C’est tout le mérite de la saga de Wilfrid Lupano et Paul Cauuet : mettre sa verve et son humanisme au service d’une vision lucide de la France d’aujourd’hui. Comme quoi, une conscience éclairée et un engagement affirmé peuvent faire bon ménage avec l’humour.
Back to top
Les 7 mots de Wilfrid Lupano
CAPITALISME
Ceux qui défendent encore ce modèle de la libre entreprise et de la croissance infinie sont les derniers grands poètes azimutés du monde. Malheureusement, ils sont aux commandes de l’économie au lieu d’être dans des établissements de soins. Il y a belle lurette que le capitalisme a muté : fini le capitalisme « à l’ancienne », dans lequel profit = croissance = emploi.
Aujourd’hui, les algorithmes, la finance à haute fréquence et les paradis fiscaux permettent d’amasser des fortunes jamais approchées auparavant dans l’histoire de l’humanité, sans créer le moindre emploi et sans redistribuer la moindre richesse à la collectivité.
Pire ! On peut même être archi milliardaire et archi subventionné. C’est ce qui arrive à l’héritier Garan-Servier dans cet album. Le pauvre homme devient tellement riche d’un coup que ça lui fiche le tournis.
CLANDESTINS
La vieille rengaine de l’extrême droite sur les étrangers qui viendraient « voler le travail » des Français ne résiste pas cinq minutes à l’analyse. Dans les faits, les clandestins prennent les boulots que personne ne veut faire au tarif proposé. Les cueillettes sous-payées, l’« Uberdelivering »…
Même Trump, pourtant élu sur un projet de réduction de l’immigration illégale, a un bilan plutôt léger en la matière. Il a d’ailleurs moins expulsé qu’Obama. Il sait qui ramasse les patates et qui découpe la viande dans les abattoirs aux États-Unis. Dans notre album, ce marronnier ramène sa fraise de manière inattendue.
CLIMAT(S)
C’est surtout le climat social qui est en surchauffe dans cet album. Au village, on invoque le dieu « vivre-ensemble » au cours de cérémonies barbecuesques, mais c’est un dieu tatillon qui ne débarque pas comme ça, à la moindre hécatombe de merguez. Il a besoin qu’on lui prépare un peu mieux le terrain. Par exemple avec un peu de justice sociale.
CONFLIT DE GÉNÉRATIONS
C’est le fil rouge de la série. Mais on n’angélise ni les uns ni les autres. Le temps ne fait rien à l’affaire…
ESPOIR
Il y a toujours de l’espoir. Et la plupart du temps, tu ne sais pas de quel côté il va souffler.
Bon, là, nous, dans cet album, on suggère le pic à brochette, la fourche et le cocktail Molotov, mais vous faites comme vous voulez…
VIOLENCE(S)
Comme la rengaine macroniste actuelle consiste à renvoyer dos à dos « toutes les formes d’extrémisme », nous, on rappelle vite fait un principe de base illustré dans cet album :
L’extrême gauche, même quand elle s’énerve fort, s’en prend à des OBJETS, symboles du capitalisme et du pouvoir qu’elle juge oppresseur.
L’extrême droite, quant à elle, s’en prend à des PERSONNES. Parfois pour ce qu’elles pensent, mais la plupart du temps pour ce qu’elles sont : colorées, musulmanes, homo, trans, SDF, etc.
Il faut faire exprès pour ne pas voir la différence.
XÉNOPHOBIE
C’est un peu notre discipline reine, en France. Quand un drame survient, on se demande toujours d’abord si ce ne serait pas la faute des étrangers.
Même au moins un tout petit peu. Et puis si vraiment on voit que non, alors on se met à réfléchir, un peu déçus.
Back to topLes 7 mots de Paul Cauuet
BARBECUE
Un lobby très puissant est à l’œuvre, assurément.
La France a un incroyable talent pour la braise. Fil rouge évident de ce tome 7, il est aussi convivial que destructeur.
CONTRADICTIONS
Aucun de nos personnages n’est décrit comme un chevalier blanc. Ni trop blancs ni trop noirs, ils naviguent dans des eaux grisées. Et quand bien même certains se prétendent armés de la plus noble morale, ils se voient rhabillés par le plus inattendu des interlocuteurs.
JEUNESSE
Engagée, fracturée, blasée, délaissée, enragée, la jeunesse est le thème miroir de notre série. Ce n’est pas une série sur la vieillesse, mais sur d’anciens jeunes.
POLITIQUE
Un thème récurrent de la série, qui imprègne la vie de tout le monde, avec ou malgré les personnages. Pas un album des Vieux Fourneaux sans une manif ou une revendication sociale.
POLICE
Qui dit manif dit police. Pas un album sans flics, gendarmes ou autres groupes d’intervention ! Pavés, fumée, matraques, boucliers, casques et pancartes chorégraphient notre ballet social.
VIVRE-ENSEMBLE
La tarte à la crème de la bien-pensance actuelle. Toute la bonne volonté de sa mise en place se fracasse vite sur le mur des convictions des villageois.
VIEILLIR
Si nos vieux enjambent les ans avec plus ou moins de talent, graphiquement, c’est surtout avec Juliette, la fille de Sophie, et les trois jeunes du village qu’on remarque le passage du temps dans la série
Merci à Wilfrid Lupano et Paul Cauuet d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.
Retrouvez les Vieux Fourneaux en librairie :
Bonne lecture
Back to top