Florence Cestac raconte la vie d'Albert Algoud, figure emblématique de Canal +
Le trait expressif de Florence Cestac et la plume alerte d’Albert Algoud nous offrent un récit autobiographique haut en couleur !
Table des matières
Après sa collaboration avec Daniel Pennac pour Un amour exemplaire, Florence Cestac, légende vivante du 9e art, s’associe à une autre personnalité de talent, Albert Algoud, l'une des figures de la grande époque de Canal +.
Dans une interview tendre et férocement drôle, ce duo complice, plein de verve et d’humanité nous raconte les coulisses de ce Prof qui a sauvé sa vie.
Back to topLes débuts d'Albert Algoud racontés en BD
En 1978, Albert Algoud, 28 ans, jeune papa, est nommé professeur de français dans un collège de Haute-Savoie. Il va s’y révéler être un enseignant pour le moins original. Généreux, inventif, parfois potache, une chose est sûre, il ne s’économise pas !
Pour donner le goût de la lecture aux élèves, il installe en classe une bibliothèque de prêt qu’il garnit lui-même et cherche avec zèle ce qui pourrait convenir à tel ou telle. De David Lynch à Fantômas, en passant par Apollinaire et Tintin, il fait feu de tout bois pour éveiller l’esprit de ses élèves. Mais tout cela n’amuse guère les parents et le directeur, qui mettent bien des bâtons dans les roues du jeune prof qui perd peu à peu la foi qu’il avait dans le système éducatif.
C’est à ce moment qu’Albert Algoud découvre la radio (Mitterrand vient d’ouvrir la porte aux « radios libres »), qui va très vite devenir son nouveau terrain de jeu. La suite, surtout après la mutation en région parisienne, ressemble à une rupture inévitable avec l’Éducation nationale : alors que d’un côté il perd sa bonne humeur et sa patience, de l’autre il rencontre le professeur Choron, Antoine de Caunes et le groupe Jalons. Et c’est en devenant l’humoriste que l’on connaît que le prof « sauve sa vie ».
Loin d’être un simple recueil d’anecdotes, ce témoignage d’Albert Algoud tient à la fois de l’autobiographie, de la réflexion sur le métier de professeur, d’un témoignage sur la vocation d’humoriste, et du reportage sociologique, grâce à une formidable galerie de personnages secondaires. On sent au fil des pages toute la tendresse qu’Albert Algoud a conservée pour tous ses jeunes élèves qui furent son premier public, mais aussi pour ses anciens collègues, même les plus désespérants.
Le trait si caractéristique de Florence Cestac, à la fois souple et précis, toujours drôle même quand la critique est acerbe, sert parfaitement l’histoire et n’a pas son pareil pour nous plonger dans la France populaire du tournant des années 1980.
Back to topL'interview de Florence Cestac et Albert Algoud
Comment est né ce projet ?
Florence Cestac : Albert et moi, on se connaît depuis longtemps, même si je ne me souviens pas de notre première rencontre. Ça devait être à l’époque où il travaillait à Canal +, quand Étienne Robial faisait l’habillage de la chaîne. Et on se croisait ici ou là… Depuis plusieurs années par exemple, on est tous les deux dans le jury du Prix Wolinski du Point. Et chaque fois, on se dit qu’un jour on fera un truc ensemble sans trop savoir quoi…
Albert Algoud : Moi, je me souviens très bien de notre première rencontre ! C’était aussi dans un jury d’ailleurs. En 2001, au Festival d’Angoulême, tu étais la présidente puisque tu avais reçu le Grand Prix l’année d’avant. Et tu m’avais demandé d’être le seul garçon d’un jury entièrement féminin. Tu remarqueras qu’on n’a pas revu ça depuis… Et on s’était bien amusés !
Florence Cestac : Ah oui, c’est vrai ! En tout cas, le jour où tu as commencé à me raconter ta vie de prof, je t’ai dit : « Il faut raconter ça ! »
Albert Algoud : J’aime évidemment énormément la bande dessinée mais j’en avais très peu fait. Juste deux scénarios : un pour Dupuy et Berberian, l’autre pour Vuillemin… Ça me démangeait de recommencer et je dois dire que Florence n’a pas eu trop de mal à me convaincre.
Florence Cestac : Alors il m’a filé un énorme manuscrit avec plein de portraits, d’anecdotes… J’ai un peu fait le tri et mis ça en forme pour que ça fasse une vraie histoire. Moi, j’aime les BD qui se lisent d’une traite, dont on a envie de tourner les pages, d’aller au bout ! Ça n’a pas été difficile d’expliquer ça au grand fan de Tintin qu’est Albert !
Quel prof était le jeune Albert Algoud ?
Albert Algoud : Je suis devenu prof presque par accident. Comme je ne savais rien faire d’autre que lire et écrire, après toutes sortes de petits boulots, j’ai passé le concours et je me suis retrouvé prof de français. J’ai abordé ce boulot avec beaucoup d’enthousiasme, d’innocence et de fantaisie. Et j’ai beaucoup aimé mes élèves, la plupart fils de paysans ou de prolos, ou issus aussi de familles immigrées. Les notables allaient dans le privé, et nous avions les enfants des milieux modestes… Ou alors des laïcs convaincus !
Florence Cestac : Moi qui étais d’un milieu modeste, peu ouvert à la culture, c’est vraiment le genre de prof dont j’aurais rêvé ! Ma scolarité à moi, c’était tout gris, jusqu’à mon entrée aux Beaux-Arts. Je ne me souviens d’aucun enseignant. Albert, lui, était de ceux qui vous font lire des bouquins, vous emmènent au cinéma, vous ouvrent à la peinture ! Les profs comme ça sauvent des vies ! On sent qu’il a aimé ses élèves. Il me parlait d’eux, me les décrivait…
Albert Algoud : Ça a été émouvant de faire ce travail de mémoire. Mais ce qui est génial, c’est que Florence a su « retrouver » les visages de ceux dont je n’avais pas de photo. Elle me montrait ses dessins et moi – « mais c’est incroyable ! C’est lui ! » –, j’avais mon élève sous les yeux ! Cela tient à une forme d’affinité romanesque et de complicité qu’on a tous les deux, mais aussi au talent de Florence qui a un trait à la fois caricatural et extrêmement précis !
Cette histoire, c'est aussi celle de la naissance d'un humoriste et une plongée dans la France de la fin des années 1970 et du début des années 1980...
Florence Cestac : Oui, on n’est pas très longtemps après Mai 68 et l’ouverture formidable que ça a été pour toute une génération ! Il y a eu d’abord l’essor de la BD adulte dont on ne mesure pas bien à quel point les premières grandes figures étaient des ovnis ! On en a connu pas mal en commun tous les deux… La bande des Métal hurlant, celle d’Hara-Kiri, c’étaient des fous furieux ! Et tout ce qui s’est passé dans la bande dessinée s’est un peu prolongé dans les radios libres et à la télé. Il y a eu là aussi une créativité extraordinaire et très enthousiasmante : où on rentrait chez soi en vitesse pour regarder Nulle part ailleurs !
Albert Algoud : Il y avait beaucoup de liens et de camaraderie, et c’est vrai qu’à un moment, Canal+ a été un point de convergence entre des gens qui venaient de Jalons, comme Karl Zéro, de Hara-Kiri, comme Jackie Berroyer, et des radios libres, en particulier de Radio Nova… Moi, j’étais un peu ici et là : ma fantaisie naturelle s’est trouvée portée par toutes ces rencontres. Je ne savais rien faire d’autre que le crétin ! Je le faisais en tant que prof, en essayant de faire aimer la lecture aux enfants, mais j’avais besoin de plus d’espace, surtout après ma mutation en banlieue parisienne. La télé et la radio sont devenues mes nouveaux terrains de jeu.
Merci à l'autrice et à l'auteur d'avoir pris le temps de répondre à nos questions !
Vous pouvez découvrir cette autobiographie en librairie et nous vous offrons les premières pages :
Bonne lecture !
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