Viva Las Vegas ! — et sa pin up

Par l'équipe Dargaud

Après la WW II, après la Cold War, here comes Las Vegas années 60 ! En vedette, la toujours affolamment exciting Dottie. On parle d’elle en superlatifs, dont le nombre ne peut être contenu par aucune gaine Scandale, aucun Wonderbra, aucun Cœur Croisé. Dottie et ses admirateurs énamourés et ses 46 pages particulièrement hot, folks !



J’ai déjà abordé l’épineuse question de mes relations avec Yann, ancien squatter de la maison de Spirou à la fin des années septante — couleur locale, c’était à Bruxelles. Inutile d’y revenir. Sauf que l’on comprendra la joie mauvaise qui s’empara de moi à la lecture du nouveau Pin Up. Le genre d’exsudation aussi insensible à la raison qu’à une salve de Fébrèze.



Nous sommes donc à Vegas dans les années 60. Preuve : les paquebots Cadillac, les croiseurs Lincoln et les chars volants Studebaker qui chaloupent entre le Sand’s, le Stardust, le Flamingo et le New Frontier.



Dottie est devenue physionomiste au Flamingo. Un boulot qui consiste à débusquer le ratissé de tables de black jack, le noble artisan de dés mercurisés ou le citoyen oublieux de dettes orphelines de paiement. C’est qu’elle a l’œil, Dottie, pour restituer la calvitie dissimulée sous l’efflorescence frisée de la moumoute façon troupeau du Shetland ; le gris naturel sous le roux L’Oréal. Des lunettes noires ? Elle se sent insultée. Dans la chirurgie esthétique elle ne voit que des coups de scalpel qui ont resculpté le triple menton, les bajoues avachies, le tarin à la limite du fourmilier.



Comme toujours, la meilleure. Et c’est rien dire de sa silhouette, le gabarit, les méandres, les contours et les tours, la ligne, la stature… Un que cela fait jacter, c’est " The Voice ", Frank Sinatra himself. Il voit Dottie, il fond. Parfois, il se dissout dans l’alcool. Il a besoin de ça, Frankie, pour se donner du courage. Dottie, on ne la lui fait pas : ce genre de macho, c’est de la mozzarella – dur à l’extérieur, mou dedans.



Bref, le crooner fait quelques apparitions dans Las Vegas, pour se ramasser une baffe à chaque fois. Ça n’arrête pas ! “Hey, poulette, devine qui c’est ?” Baf ! “Superbe joujou. J’adore…” Baf ! “Voilà déjà quelques chips, comme amuse-gueule” Baf ! Entre deux corrections, il accumule des conneries de sale gamin teigneux. Ce qui s’appelle une idole vue sous un angle pas très avantageux. Et conforme à la réalité, si on veut bien lever les yeux des panades hagiographiques. Bah ! Tant que Nick Rodwell ne s’intronise pas gardien de la mémoire du grand homme…



Il faut reconnaître que le grand homme ne simplifie pas une intrigue passablement tordue, comme seul Yann peut en jeter dans la friture. Car qui dit Sinatra, dit famille. Vous voyez le genre. Et par le plus grand des hasards, les années 60, c’est la décennie de la mafia, le jeu des familles qui veulent prendre le contrôle de Las Vegas.


Années 60… C’est là que mon sang n’a fait qu’un tour. Entre deux volées de gifles, Frankie sirupe Strangers in the night. Bingo ! L’erreur, la perle de pinaillage : Strangers, c’est la fin des années 60, facile, alors que l’action, les tacots et les décors de Las Vegas, c’est 62-63 par là. Pour une série qui surfe entre les balises de l’Histoire, voilà la belle boulette.



Pas du tout ! “La série Pin Up évolue, m’explique Yann. Dottie dépendra moins de l’exactitude historique : elle appartiendra aux années 60, sans indication plus précise. Nous nous permettrons quelques libertés qui serviront l’histoire plutôt que l’Histoire.” Raté. Si on se met à réorienter les séries pour couper l’herbe sous le pied des pinailleurs… Qui ne manqueront pas de relever que le Bunny One, l’avion que Hugh Hefner arma en 1971, sort ses flaps six ans trop tôt dans Las Vegas, et pour les mêmes raisons.



Car M. Playboy fait son entrée par la bande (dessinée) dans la vie de Dottie. Il lui offrira même un emploi. Pas celui d’une Bunnie, ni d’une playmate en poster du mois, petits cochons. A vous de le découvrir dans les deux albums qui composeront cette époque. Deux albums et pas trois comme pour les deux précédentes sagas ?



Philippe Berthet : “On s’est rendu compte que le rythme d’une époque en trois ans, c’était trop long. Comment ‘vendre’ un deuxième album ? Ce n’est pas le début, il ne comporte pas la fin. C’est une sorte de bâtard que les lecteurs n’affectionnent pas. Deux volumes, cela nous oblige à resserrer l’action. Je travaille en ce moment sur les six premières planches du second épisode, et ça démarre en force.”



A nouveau rythme, nouvelle méthode de travail ? Je me suis laissé dire que tu poussais moins loin les crayonnés ?


Philippe Berthet : “En fait, pour des raisons éditoriales, je fournissais mes crayonnés poussés à l’extrême, qui étaient ensuite scannés. Ce n’est qu’après que je passais à l’encrage. Maintenant, l’étape de reproduction des crayonnés a été supprimée. Je puis donc corriger plus librement à l’encrage les choses qui ne me plaisent pas dans les crayonnés.”



Comme si la décontraction du dessinateur rejaillissait sur le scénariste (à moins que ce ne soit le contraire), les cases sont émaillées de clins d’œil, d’allusions. N’est-ce pas, M. Schlirfopoulos ? Un nouveau jeu : découvrir les personnages cachés dans les pages de la série Pin Up, dont plus personne n’osera dire qu’elle ne s’adresse pas à toutes les tranches d’âge.Hé oui ! Dottie plonge dans le bain polar pour notre plus grande joie, comme disent les dossiers de presse. En quelque sorte, elle rejoint les rangs des ladies détectives. Rassurez-vous, elle a devant elle quelques belles années avant que, de dos, on ne la confonde avec miss Marple.




Alain De Kuyssche

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