Sorcières dans la brume
Un conte écologique et sororal, une réflexion métaphorique sur notre société de consommation et les violences faites aux femmes. Retrouvez l'interview de Stéphane Fert
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Après le succès de Blanc autour avec Wilfrid Lupano, Stéphane Fert signe un portrait de femmes pour son retour en tant qu’auteur complet.
La Marche brume est un conte écologique moderne, drôle et sombre à la fois, empreint de métaphores servant de belles réflexions et jouant, non sans humour, avec les stéréotypes du monde foisonnant de la sorcellerie.
Back to topLa Marche brume
Un jour, la Brume a tout emporté. Oh, pas la petite brumouille du matin ou la semi-brume des lendemains de pluie, nooon ! La brouillasse, la vraie. La purée de boue, la bouillie de charbon, noire et épaisse comme de l’encre en suspension. Celle qui engloutit tout.
Mais la Brume a aussi laissé quelque chose derrière elle. Une mutante, une ogresse, ou peut-être juste une petite fille qu’une sorcière bourrue va nommer Tempérance et qui sera élevée dans la tranquillité d’une sororité de joyeuses vieilles femmes.
Et puis un jour, la Brume revient, la Brume veut reprendre… Il est temps pour les sorcières de sortir les grigris, de se rappeler les vieilles incantations et les leçons de kung-fu pour se lancer dans une grande aventure qui changera le destin de la jeune Tempérance.
Back to topL'interview de Stéphane Fert
La grande force de ce récit tient dans les profonds questionnements qui sous-tendent l’ensemble, et que Stéphane Fert parvient à faire affleurer de façon subtile.
Rapport au vivant, sororité, respect de la différence, et place de l’imaginaire dans nos existences individuelles et sociales : en jouant habilement avec les stéréotypes du conte et de la fantasy, ce sont toutes ces questions que l’auteur permet d’entrevoir à travers la brume.
Comment cette histoire est-elle née ?
Stéphane Fert : Comme souvent, c’est parti de plusieurs choses : de lectures autour des thèmes de la sorcellerie et de l’écologie, de mon envie de peindre des paysages montagneux de ma région (les Pyrénées), d’influences artistiques (notamment The Mist, de Stephen King, mais aussi des mangas d’action).
Mais le principal est sans doute le besoin de raconter une histoire post-apocalyptique pour calmer mon éco-anxiété. Tout cela forme dans ma tête un étrange mélange que j’essaie d’articuler autour d’une histoire.
Vous proposez dans ce premier tome un univers très riche, qui mélange des éléments anciens et très contemporains. Comment l’avez-vous développé ? Accessoirement, d’où vient ce nom de « brouches » ?
Stéphane Fert : Ce terme vient de l’ancien patois des Pyrénées et veut dire « sorcière ». C’est probablement la même racine que bruja, en espagnol.
Ce n’est pas tellement par chauvinisme régional que je l’ai choisi, mais plutôt parce que j’aime l’idée que ces sorcières se réapproprient une façon de parler et de nommer les choses qui est à l’opposé de la culture mondialisée.
C’est ce qui m’attire et me pose question dans la sorcellerie : qu’on puisse réinventer une culture, des rites et une histoire qui soient différents de l’Histoire qu’on nous raconte à l’école et dans les églises.
Cet album aborde par le biais du merveilleux de nombreuses questions environnementales et sociales : le rapport au vivant, l’avortement, la sororité, la violence… Diriez-vous que c’est une bande dessinée engagée ?
Stéphane Fert : Je pense que le fantastique et l’anticipation sont toujours un peu politiques. J’aborde des sujets qui me tiennent à cœur, forcément, mais j’essaie de poser des questions davantage que de donner des réponses, que je n’ai pas, de toute façon.
Nous avons tous grandi avec des dessins animés, des livres et des chansons nous disant de respecter la nature, et visiblement ça n’a pas marché.
Alors pourquoi notre rapport au vivant (à ce qu’on appelle la « nature » mais aussi à nous-mêmes) est-il si violent ? C’est la question que je me suis posée en amont de cette BD. Mais cela reste avant tout un récit d’aventures fantastique que j’ai tâché de rendre aussi divertissant que possible.
Cela passe par des personnages très forts, en particulier Tempérance et sa mère adoptive, Grisette, qui sont, chacune à sa manière, un peu à la frontière entre plusieurs mondes.
Stéphane Fert : Effectivement. Et étant à la frontière, elles ont du mal à se comprendre. Peut-être aussi parce qu’elles sont tout l’une pour l’autre…
Cela m’a beaucoup intéressé de développer ce lien mère/fille que je trouve peu abordé dans la fiction d’une façon générale.
C’est aussi une autre forme de « rapport au vivant » que le rapport d’un parent à son enfant.
On ressent à vous lire une grande liberté formelle : aussi bien dans le dessin que dans le découpage, et même dans votre usage de couleurs très expressives. C’est le fait de travailler seul qui vous permet de vous lâcher complètement ?
Stéphane Fert : C’est plutôt de pouvoir travailler avec une formidable éditrice qui me fait confiance et me laisse m’exprimer. Effectivement, j’aime me lâcher sur le dessin, tant que la lecture reste fluide et cohérente. Tant mieux si on sent mon plaisir à la lecture !
Pour ce tome, j’ai voulu assumer plus clairement qu’auparavant les références de mangas d’action dont je parlais tout à l’heure et que j’adore ! Quant à la couleur, ça a toujours été un aspect important de mon travail.
Pour être franc, j’ai davantage une sensibilité de peintre que de dessinateur.
Et c’est vrai que, dans ce roman graphique, les couleurs caractérisent fortement les différents mondes :
- La Brume est un monde de couleurs froides, comme lorsqu’on pénètre dans une forêt la nuit, dans un conte de fées.
- À l’inverse, les scènes qui se passent au village sont plus chaudes car plus proches des sentiments des personnages.
- Le monde des Omis (les hommes) est montré comme gris, sombre et triste, mais c’est l’image que les brouches projettent sur cet endroit. Leur découverte de ce monde sera peut-être radicalement différente…
Découvrez la création en livre de la couverture de La Marche Brume par Stéphane Fert :
Back to topLes premières pages
Des personnages hauts en couleur, un univers foisonnant, de l’action, du merveilleux, de l’humour, le tout porté par un dessin dynamique et expressif et une narration parfaitement maîtrisée… Tout est là pour faire de La Marche Brume une de ces grandes bandes dessinées d’aventures pour petits et grands.
Découvrez les premières pages, et rendez vous en librairie ou sur 9ème Store :
Bonne lecture !
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