Prend le large

Par l'équipe Dargaud

Dessinateur remarqué de la série Phénoménum (Glénat), Marc Védrines se lance dans une nouvelle aventure dont il est le scénariste et dessinateur. Islandia racontera, en trois volumes, le périple de Jacques parti sur les terres d’Islande à la recherche de ses origines. Une série qui mêle judicieusement aventure et une légère pointe de fantastique. Rencontre.


Marc Védrines, comment êtes-vous venu à la bande dessinée ?


J’aime lire la bande dessinée et j’ai ressenti le besoin de m’exprimer par ce moyen depuis mon plus jeune âge. Pour moi, le choix s’est imposé, j’ai toujours voulu faire ça.


Quelles sont vos influences majeures en tant que dessinateur ?


J’ai l’impression d’être inscrit dans une génération d’auteurs dont les influences sont très larges et traversent les continents (la liste risque d’être longue, je vais essayer de résumer). Dès le milieu des années 80, j’ai été passionné par les mangas avec des auteurs comme : Tesuka, Yasuhiko, Otomo, Miyazaki, Shirato, des Américains comme Miller, Byrne, Mignola, Moor. Sur notre bon vieux continent, j’ai beaucoup apprécié le travail de Mœbius, Loisel et, chez la nouvelle génération, je citerais Blain et Guibert. C’est un gros « melting pot », mais, en résumé, je suis un mixe entre la nouvelle BD et le Manga. Le chaînon manquant peut-être (rires).


Comment s’est déroulée la transformation en auteur complet après Phénoménum ?



Tout naturellement, comme une chrysalide qui se transforme en papillon. Bien que confortable et protecteur, il est très agréable de sortir de son cocon de soie, de déployer ses ailes pour aller virevolter.


Vous aviez le projet Islandia en vous depuis longtemps ?


L’idée a commencé à germer en 2003 lors d’un voyage en Islande, dans la région la plus isolée des fjords de l’ouest, son histoire et son atmosphère magique m’ont inspiré.


Il y a une forte dimension historique dans Islandia, vous vous êtes beaucoup documenté ?


Il y a un travail de documentation assez conséquent pour se plonger dans l’ambiance de l’Islande du XVIIe siècle. On ne peut pas écrire ce genre d’histoire sans connaître, comprendre le fonctionnement politique, économique et religieux du pays à cette époque. Rien d’étonnant, c’est par là que commence le vrai travail de scénariste. J’ai la chance d’aller régulièrement en Islande car ma belle-famille est du cru.


Vous racontez l’évangélisation du pays par les Danois, l’éradication des croyances païennes.


En fait, l’Islande est chrétienne depuis l’an mille. Ils se sont convertis pour des raisons commerciales. D’abord catholique, l’église d’Islande, bien que dépendante de Rome, était très permissive avec les croyances ancestrales. Beaucoup d’Islandais pratiquaient les deux religions en secret. Par la suite L’Islande fut annexée par le Danemark qui imposa par la force le protestantisme. Beaucoup plus fondamentaliste à l’époque, l’église luthérienne ne tolérait aucune digression religieuse. La dureté de l’existence sur cette île isolée conjuguée à la férocité de l’époque me paraissaient un être le terrain propice à un récit d’aventure teinté de mystères.


Quelle place les Islandais accordent-ils aujourd’hui à leur folklore, légendes et croyances qui leur sont propres ? 


L’Islande est une terre de légendes. Les Islandais vivent en symbiose avec leur pays où la nature offre moins de ressources que de menaces. Ils ont appris à l’écouter. Là-bas, on n’hésite pas à détourner une route en construction parce qu’on s’est aperçu qu’elle traversait une zone habitée par des Elfes. Vis-à-vis des phénomènes surnaturels, je dirais que les Islandais en général sont ouverts d’esprit sans aller à l’extrême ou au ridicule.


Islandia est une trilogie, comment va évoluer le personnage de Jacques ?



Jacques est un personnage complexe. Il n’est pas aussi lisse qu’il en a l’air. On peut déjà l’envisager dans le premier tome. En fait, il se connaît peu lui-même et c’est ce qui le pousse à faire ce voyage. Au fond de lui, Il est partagé entre le bien et le mal, ce qu’il va découvrir sur l’île ne va faire qu’exacerber cet antagonisme. 


La magie islandaise va prendre une part plus importante dans les tomes suivants, que pouvez-vous nous en dire ?



Bien évidemment, j’ai envie de laisser la surprise au lecteur. J’aimerais qu’il ait le même regard que moi lorsque j’ai découvert cet univers des plus singuliers. Je voudrais simplement lui dire que la pratique de la sorcellerie à cette époque très dure, était une question de survie. Les Islandais souhaitaient améliorer leur quotidien par n’importe quel moyen et leur imagination était sans limites. Leurs incantations provenaient d’une espèce de mélange entre la religion celtique, nordique, chrétienne et des particularités toutes islandaises, comme les Tilberis.



 Thomas Ragon

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