Pour le retour de Blacksad, interview des auteurs
Suite et fin au sommet pour ce diptyque de Blacksad
Table des matières
Ce second volet d'Alors tout tombe se montre à la hauteur des promesses du premier tome du diptyque. Le récit navigue entre roman noir et comédie romantique, entre drame social et chronique urbaine, sur fond de New York des années 1950 mis en images d’une main de maître.
La galerie de personnages qui s’agitent dans cette mégapole en tous points excessive compose une comédie humaine aussi juste que touchante – ce qui n’est pas le moindre des paradoxes pour une saga animalière…
Back to topInterview de Juan Díaz Canalès et Juanjo Guarnido
Le scénariste Juan Díaz Canalès et le dessinateur Juanjo Guarnido nous font le plaisir de répondre à quelques questions pour la sortie de la seconde partie d'Alors, tout tombe.
Comment situez-vous ce nouveau tome dans la saga de Blacksad ?
Juan Díaz Canales : Ce tome clôt le diptyque qui a signifié un certain retour aux racines de la série. Après les tomes précédents, où Blacksad était hors de son habitat naturel qui est la ville de New York, nous avons voulu revenir avec une histoire qui met en scène des éléments encore peu développés dans la série : Blacksad dans son bureau, ses alliances et ses conflits avec la police, sa relation avec Alma, ou même le rôle de Weekly, qui se révèle comme un personnage majeur plutôt que comme un sidekick du protagoniste.
La dimension politique et sociale est-elle plus affirmée ?
J.D.C. : Disons qu’elle est plus développée, notamment grâce au fait d’avoir deux tomes pour raconter une histoire plus complexe. Cela nous a permis non seulement de mettre en scène l’enquête policière, mais aussi de présenter un cadre politique et social plus précis qui fait sans doute partie de l’intrigue et la complète. Et la ville de New York est le terrain de jeu parfait pour parler des tensions et des contradictions du modèle de société qui s’est imposé en Occident depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui perdure. C’est pour ce genre de raisons que nous adorons le polar !
Juanjo Guarnido : Et c’est aussi pour ça que nous adorons New York, la variété de son architecture et de ses paysages urbains, ses parcs et ses squares, son monde souterrain… Personnellement, deux décennies et demie de recherches et de nombreux séjours ont transformé l’intérêt documentaire que je portais à cette ville en une véritable histoire d’amour, même avec ses hauts et ses bas…
Blacksad semble ne pas toujours maîtriser la situation…
J.G. : Les forces auxquelles il se heurte sont considérables ! Le personnage du « Master Builder », inspiré de Robert Moses dans une version hyper puissante et plutôt ténébreuse, tire impitoyablement de nombreuses ficelles, même pour commanditer des meurtres.
À la fin, cela se retournera contre lui, et le climax de l’action deviendra une course contre la montre pour Blacksad, seul contre tous, y compris contre des éléments dans les rangs de la police, pour éviter un dénouement fatal.
Ce septième tome met en scène le retour d’Alma…
J.G. : Tant voulu ! Et pourtant, vu la réaction du public au moment choisi pour créer la césure entre les deux parties, pas tellement attendu ! Nous savions qu’Alma reviendrait tôt ou tard ; le moment semblait opportun, et l’idée de la montrer à la fin de l’album avec le traditionnel « à suivre » était irrésistible. Avant même que Juan ne commence à écrire, on se disait qu’il fallait qu’on la retrouve trempée, telle que nous l’avions quittée à la fin du troisième tome.
Il y a tout de même une morale à la fin ?
J.D.C. : Plus qu’une morale, nous préférons inviter le lecteur à réfléchir sur quelques thèmes, le confronter aux mêmes dilemmes que les personnages. Le plus flagrant, c’est celui qui nous parle de la banalité du succès face au passage inexorable du temps. Mais il y en a d’autres, comme l’inutilité et la capacité destructive de la vengeance, ou la difficulté de rester honnête au sein des institutions politiques ou syndicales, même si elles sont très nécessaires.
J.G. : Et Juan a eu le bon goût de clore cette deuxième partie exactement comme la première, avec une femme, son maquillage coulant sous la pluie, et laissant tomber son masque à la surprise générale. Pour ceux qui pourraient rater la poésie du moment…
Comment envisagez-vous l’évolution du personnage ?
J.D.C. Depuis que nous avons commencé, nous n’avons guère fait de plans à long terme. Nous avons toujours préféré que Blacksad évolue en temps réel, au fil des aventures. Nous avons une idée assez « organique » du personnage, et nous aimons faire plus ample connaissance à chaque tome, en même temps que le lecteur. Cela dit, nous sommes très vigilants sur sa cohérence, et nous n’avons donc pas l’intention de dérouter le lecteur avec des histoires qui transgressent son cadre historique ou les règles du monde animalier dans lequel évolue Blacksad.
J.G. : Malgré tout, il est des épisodes évoqués plus ou moins directement dans certains passages de la série – l’expérience de John en tant que GI en Europe pendant la guerre, par exemple – que nous rêvons parfois de concrétiser, et que certains lecteurs anticipent !
Juanjo, avez-vous abordé différemment votre travail sur le dessin et sur la mise en couleur ?
J.G. : Après la longue absence de Blacksad dans les bacs depuis Amarillo, pendant laquelle je n’ai pas chômé, beaucoup de choses ont forcément changé dans mon dessin. J’espère que ça a été pour le mieux. Une évolution importante est venue avec ma prise de conscience de l’importance du trait renforcé dans les premiers plans et les silhouettes des personnages et éléments. J’ai fini par observer que mon trait d’encre, un peu délavé par plusieurs couches d’aquarelle, desservait parfois la lecture des images dans les cinq premiers albums.
Renforcer le trait par un passage sélectif de gouache noire une fois finie la mise en couleur a donné au diptyque une entité graphique qui, a posteriori, semble manquer cruellement aux tomes précédents. Étonnamment, cette ressource qui renforce le côté détouré et dessiné des éléments n’enlève rien au réalisme de la représentation. Aussi, nombre de palettes inhabituelles occupent des séquences des deux chapitres, mais je le dois à mon cher compère, qui ne manque jamais de me fournir des situations aussi diverses que motivantes dans les scénarios, ce qui est en soi une formidable source d’inspiration.
Back to topEn librairie
Les sept tomes de la série Blacksad sont disponibles en librairie, et pour patienter, voici les premières pages de la seconde partie d'Alors, tout tombe :
Bonne enquête !
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