#Interview : Mayana Itoïz et Le Loup en slip
Avec Le Loup en slip, les sujets politiques, philosophiques et de société sont mis avec humour à hauteur d’enfant. Rencontre avec l'illustratrice Mayana Itoïz.
Le personnage du Loup en slip a des airs de Diogène, le philosophe de l’Antiquité, ou encore du Candide de Voltaire.
Il vit la « sobriété heureuse » dans un dénuement presque complet. Mais il n’est lui-même pas très « donneur de leçons ». C’est cette position parfois enfantine qui en fait le complice des jeunes lecteurs !
Retour avec l'illustratrice Mayana Itoïz sur les pas du Loup !
Bonjour Mayana, vous êtes la dessinatrice de la série jeunesse du Loup en slip, scénarisée par Wilfrid Lupano, également auteur des Vieux Fourneaux. Comment est née l’idée du Loup, ce personnage qui fait peur aux plus petits ? Et pourquoi ce slip ?
Mayana Itoïz : Le personnage du Loup en slip est né quand mon fils aîné était petit et craignait le loup qui se cachait dans sa chambre.
Je lui ai alors peint un grand loup en slip ridicule gambadant dans la forêt et je l’ai installé au-dessus de son lit. Cela a été très efficace contre sa peur du loup. J’ai toujours ce tableau représentant le tout premier Loup en slip, il date de 2008.
Et le choix du slip me semble évident : imaginez n’importe qui en slip et tout de suite, il est moins impressionnant. Surtout en slip… DE LAINE !
Alors que le petit écureuil, dont personne ne se méfie, a finalement les dents bien aiguisées ? Pourquoi un tel contre-pied ?
Mayana Ito¨z : C’est l’invention du scénariste Wilfrid Lupano, l’écureuil avec sa petite salopette et son stand de chips semble inoffensif. Il n’est pas étudié sous toutes les coutures par les scientifiques comme le Loup, il passe inaperçu. Il a donc le champ libre pour tirer toutes les ficelles de l’économie de la forêt.
C’est le contre-pied final qui donne le sel à l’histoire, il n’y a pas de morale à proprement parler à la fin de l’album mais plutôt une surprise qui laisse les plus jeunes lecteurs abasourdis... ou pliés de rire.
Des problématiques contemporaines sont abordées dans vos albums : peur de l’inconnu, solidarité, obligation de réussite, place du travail dans notre société… Comment réussissez-vous à les mettre à hauteur d’enfants ?
La forêt et ses personnages recréent une petite société qui nous permet d’aborder toutes ces problématiques ; les animaux sont drôles, complexes et ont des failles. Mais ils ont aussi des bonnets, des bottes, des tabliers...Ils ont des attitudes rigolotes et rencontrent des situations absurdes et déjantées.
Les albums du Loup en slip se mettent à hauteur d’enfants mais proposent également une base de discussion aux adultes qui leur lisent les histoires, en posant des questions plus qu’en délivrant un message.
Lorsque je rencontre des enfants dans les écoles, ils sont pleins de questionnements sur tous ces sujets après la lecture des albums, on a parfois des ateliers d’illustration qui se transforment en véritables ateliers-philo.
Les thèmes du travail et de l’uniformisation, de la mode, les ont particulièrement inspirés car ils y sont confrontés directement dans leur quotidien scolaire et leurs réflexions sont pleines de bon sens. Ils aiment le rythme et l’humour des albums mais dans un deuxième temps, ils aiment aussi échanger sur les situations rencontrées par le Loup.
Dans le tome 6 Cache-Noisette, vous abordez la question de l’agriculture et de ses dérives. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Mayana Itoïz : Grâce à l’humour du scénario de Wilfrid Lupano, et le clin d’oeil au conte d’Hoffmann Casse-Noisette, nous pouvons parler de sujets « sérieux » comme l’agriculture intensive et les OGM. On a ce petit théâtre de forêt et son marché comme terrain pour aborder ces thèmes-là. L’agriculteur local, l’industriel sans foi ni loi et les consommateurs sont réunis.
Je ne peux pas en dire plus sans gâcher le plaisir de la lecture : ce tome étant très surprenant, il nous emmène aux tréfonds de la forêt, avec de nouveaux personnages étonnants qui m’ont donné autant de fil à retordre que de plaisir au dessin.
Vous êtes également illustratrice de livres jeunesse, en quoi est-ce un travail différent ?
Mayana Itoïz : Mon travail d’illustratrice pour Le Loup en slip a évolué vers la BD au fil du temps, mais le premier tome est vraiment hybride entre album jeunesse et BD. Pour moi, la principale différence est la narration.
L’image de l’album jeunesse doit évoquer le récit, j’aime ajouter des petits détails qui renforcent une situation, définir le caractère d’un personnage par son expression ou les objets qui l’entourent, choisir un cadrage pour qu’on imagine ce qui est hors champs. C’est un jeu entre le texte et l’image.
Pour la bande dessinée, je passe beaucoup de temps sur le story board, je travaille le mouvement, j’ai dû apprendre à simplifier les décors mais je reste quand même attachée à saupoudrer mes pages de détails, et je n’utilise toujours pas de phylactères pour les dialogues, ou très peu. Je repousse un peu les codes traditionnels de la BD, j’ai une grande liberté, c’est une chance.
Pouvez-vous nous parler de votre roman graphique qui vient de paraître ?
Mayana Itoïz : Pour la première fois, je travaille sur un roman graphique. Pour ce projet, j’ai écrit le scénario et j’ai pris une grande liberté graphique. Cette fiction, qui se déroule au Pays basque, est inspirée de moments vécus sur plusieurs décennies par ma grand-mère : sa vie durant la guerre, sa vie de femme, de mère et de grand-mère. C’est un portrait de femme(s) où il est question d’insouciance, d’adolescence, d’amitié, de sororité, de tragédie et de quotidien.
L’album s’appelle Léo en petits morceaux, les petits morceaux sont ceux d’une photographie autour de laquelle la narration est construite, le tout formant le portrait de Léo. Et Léo, c’est son prénom, celui de ma grand-mère.
Un grand merci à Mayana Itoïz d'avoir pris le temps de nous expliquer l'aventure du Loup en slip et son projet personnel Léo en petits morceaux
Retrouvez les aventures du Loup en slip en librairie !
Bonne lecture !