Disparition d'André Juillard, un maître de la bande dessinée

C’est avec une immense tristesse que nous apprenons la disparition d’André Juillard, survenue le 31 juillet, à l’âge de 76 ans. Nous pensons particulièrement à sa famille, sa femme Anne ainsi que ses enfants et petits-enfants.

Par l'équipe Dargaud

André Juillard
(© Rita Scaglia)

D’origine auvergnate, André Juillard naît à Paris le 9 juin 1948.
Très rapidement, la passion du dessin est au rendez-vous. Enfant, il dévore l’hebdomadaire 'Tintin’. La lecture des Hergé, Edgar P. Jacobs, Jacques Martin et Bob De Moor de la grande époque font de lui un spécialiste, encore inconscient, de la ligne claire. Le manuel d’histoire de la classe de sixième est sa seconde grande influence, en particulier les pages consacrées à l’Antiquité. Il ne le sait pas encore, mais sa passion pour la ligne claire, l’histoire et les histoires feront de lui un auteur moderne qui n’oublie jamais de tirer les leçons du passé.

Après avoir passé son bac en 1967, il s’inscrit aux Arts décoratifs de Paris, où il rencontre Martin Veyron et Jean-Claude Denis. Au début des années 1970, il suit à Vincennes des cours animés par Jean-Claude Mézières et Jean Giraud autour du dessin. En 1974, il fait ses débuts dans ‘Formule 1’, avec La Longue Piste de Loup-Gris, un western scénarisé par Claude Verrien. Ce dernier lui écrit ensuite Les Aventures chevaleresques de Bohémond de Saint-Gilles. Les amateurs éclairés devinent déjà un grand espoir de la bande dessinée réaliste. En 1978, il dessine Les Cathares dans ‘Djinn’ avant d’entamer une collaboration fructueuse avec Patrick Cothias en publiant Masquerouge dans ‘Pif Gadget’. Pour le même magazine, il dessine deux histoires de Jean Ollivier, La Ruée vers l’or et Les Frères de la côte.

En 1983, il retrouve Patrick Cothias pour Les Sept Vies de l’Épervier (Glénat), une série qui connaît très rapidement un grand succès. Jouant avec les destins croisés de personnages plongés dans la grande Histoire, cette fresque picaresque, qui se déroule au XVIIeme siècle, raconte l’épopée de l’héroïne, Ariane de Troïl. Dans le même temps, André Juillard illustre les trois tomes d’Arno (Glénat), sur une histoire de Jacques Martin.

L’ombre bienveillante de Blake et Mortimer se rapproche progressivement d’André Juillard. À la fin des années 1980, les éditions Blake et Mortimer, qui ne font pas encore partie du groupe Dargaud, lui proposent de réaliser le second tome des Trois Formules du professeur Sato. Mais il ne se sent pas encore prêt à relever un tel défi et décline l’offre. Pourtant, l’envie murit et la proposition reviendra…

Le dessinateur devient un maître de la bande dessinée historique et réaliste. Son style clair, élégant, devient de plus en plus populaire, et on fait appel à lui pour des illustrations ou des portfolios. Il réalise de nombreuses adaptations d’œuvres littéraires pour ‘Je bouquine’ ainsi que plusieurs albums historiques chez des éditeurs peu connus. De temps à autre, comme tous les grands dessinateurs, il écrit une histoire qu’il met ensuite en images. Ainsi, pour le magazine ‘(À suivre)’, il publie l’intimiste Cahier bleu (Casterman) qui lui vaut, en janvier 1995, le prix du meilleur album au festival d’Angoulême. L’année suivante, il reçoit le Grand Prix du même festival.

La série Les Sept Vies de l’Épervier (Glénat) étant terminée, la belle Arianne de Troïl manque autant à ses créateurs qu’au public. Nécessité faisant loi, elle revient en 1995 dans le premier des quatre tomes de Plume aux vents (Dargaud).

En 1998 paraît Après la pluie (Casterman), la suite du Cahier bleu. La même année, il imagine, avec son vieux complice Didier Convard, Le Dernier Chapitre (Dargaud), une série de quatre albums illustrés, qui met en scène la dernière aventure des plus célèbres héros de l’âge d’or de la bande dessinée. Le premier opus est, bien évidemment, réservé à Philip Mortimer et Francis Blake. En 2000, il se lance et dessine une aventure de Blake et Mortimer sur un scénario d’Yves Sente, La Machination Voronov. En 2003 et 2004, la même équipe publie le diptyque Les Sarcophages du 6e continent (Blake et Mortimer), suivi, en 2006, du Sanctuaire du Gondwana (Blake et Morimer).

La même année, Daniel Maghen sort une autobiographie en images, Entracte, qui réunit 1 500 dessins, illustrations, esquisses et croquis de l’artiste. Dans le même temps, André Juillard illustre Le Long Voyage de Léna (Dargaud), de Pierre Christin, dont la suite, Léna et les trois femmes (Dargaud) paraît en 2009.

Ses talents sont célébrés lors du festival BDFIL de Lausanne en 2008, où il est l’invité d’honneur. Une exposition, « Destins-Dessins », y est d’ailleurs consacrée à son œuvre.

En 2011, il dessine Mezek (Le Lombard), un one shot écrit par Yann. En 2014, il reprend, toujours avec Patrick Cothias, les aventures de l’Épervier : Quinze ans après (Dargaud) commence un troisième et nouveau cycle (« troisième époque ») de la série. En 2016, il sort un nouvel opus de « Blake et Mortimer », toujours avec la complicité d’Yves Sente : Le Testament de William S. Il retrouve ensuite Yann pour une autre histoire complète, Double 7 (Dargaud).

En 2020, il dessine le tome 3 de « Léna », Léna dans le brasier (Dargaud). En 2021, il met en images sa dernière histoire de l’Épervier, le tome 14, puis il passe la main à Milan Jovanovic.

En 2022, André Juillard rend hommage aux peintres Hokusai et Henri Rivière dans 36 Vues de la tour Eiffel (Locus Solus), un livre d’illustrations. 

En 2024, il finalise Signé Olrik (Blake et Mortimer), un nouvel album des héros mythiques d’Edgar P. Jacobs. Désireux de dessiner de grands paysages, André Juillard convainc son scénariste, Yves Sente, de lui proposer une histoire qui se déroule dans les paysages du sud-ouest de la Grande-Bretagne, en Cornouailles britannique. Cet album, qui doit paraître en fin d’année, sera le dernier album de sa riche carrière qu’il dessinera…

En juillet de cette année, une exposition présentant certaines de ses illustrations venait d’être organisée à Tréguier, dans les Côtes-d’Armor. C’est en effet dans cette région qui lui tenait à cœur qu’il s’était définitivement installé avec sa femme, Anne, depuis 2020.

Dessinateur au style réaliste voire académique, André Juillard a su insuffler une véritable personnalité à son trait, une forme d’élégance alliée à une clarté alliée exemplaire : du très grand art. Exigeant avec lui-même, grand travailleur, il a toujours cherché à introduire plus de spontanéité dans son trait, notamment à l’encrage. Cette maîtrise remarquable du dessin via  la bande dessinée a véritablement exercé une influence auprès de nombreux dessinateurs, devenant  malgré lui le chef de file d’une « école ».

André n’était pas forcément loquace au premier abord. D’une profonde humilité, pudique, fidèle, cultivé, partageur, André était une personne que nous aimions aimer.

Son élégance, sa simplicité, sa générosité et son sourire désarmant nous manqueront cruellement. 

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